Dialogues bergsoniens

Que j'aime à siroter un petit Paul Valéry comme on lentement un cru du terroir en terrasse !

Cet éternel étudiant nous livre ici, à travers un dialogue fictif avec un docteur qui s'est réfugié au pied d'une jetée pour flâner, des réflexions délibérément décousues sur la conscience, le moi, et l'on se plaît à rêver, sans l'avoir connue, à une époque où l'on pouvait causer pour causer, sans avoir besoin d'arriver à une conclusion, pour le seul plaisir de chasser un peu une anxiété souterraine, le temps de profiter de la vie, en compagnie d'un autre face auquel on ne se place pas en situation de compétition, mais comme à un égal, un compagnon de misère complice. C'est bien sûr une parodie de dialogue platonicien, ou l'interlocuteur de Valéry ne se prive pas de souligner avec humour les insuffisance de raisonnement de celui qui les profère, mais ce dernier continue, un peu comme un grand-père indigne, un peu cabotin.

Je n'essaierai donc pas de dégager une structure, il y a plutôt des thèmes qui reviennent. Le caractère décousu de la conscience, qui rend absurde l'expression d'"idée fixe". Une vive méfiance vis-à-vis de la psychanalyse freudienne, dont Valéry rejette la terminologie concernant l'inconscient. Beaucoup de réflexions sur les sciences dures et leur évolution : Valéry se montre réticent vis-à-vis du productivisme et de l'objectivité scientifique. Et puis la difficulté d'être soi, d'être conséquent, et la sagesse qu'il y a à accepter non pas ses contradictions, mais le fait que l'on en est. Surtout, la nécessité d'être avec ses semblables.

Tout cela est foncièrement humaniste et délicieusement suranné. Mais c'est justement ce que nous avons perdu, cette manière méditerranéenne de perdre du temps et de se payer de mots pour ne pas se laisser entraîner par une trop grande cohérence. C'est une forme de sagesse, indéniablement.

Oui, j'aime les livres de Paul Valéry.