Un bijou !
Il est de ces plumes nous mettant à nu, rejetant à nos yeux, sous l’alliage parfait des mots, l’humaine représentation de ce monde qui nous échappe loin de tout aspect moralisateur. Les pages...
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le 1 mars 2014
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La première difficulté de L'Ignorance est de faire abstraction de son contexte : ni une autobiographie, ni un écrit engagé politiquement (même si on y trouve une partie du spectre des émotions liées à l'essor et à la chute du communisme en Europe de l'Est), le livre de Kundera est bien avant tout un roman, qui s'inscrit sans peine dans la longue tradition de ce genre.
La seconde difficulté est d'y dégager du sens. Il est tentant, et je l'ai déjà pas mal lu en de nombreux endroits, de résumer L'Ignorance à la désacralisation de la nostalgie à travers le prisme de la forme romanesque. Cependant, s'il s'agit bien d'un thème majeur du livre, je trouve cela personnellement assez réducteur. On va pas se pâmer parce que Kundera en 2003 a suggéré l'idée, comme cela s'est certainement déjà fait avant et après, que la nostalgie n'était pas forcément bonne conseillère (j'y vais à la louche, mais on se comprend très bien, et je n'ai pas envie de retaper laborieusement de longues bribes d'analyse qui ont déjà été produites avant moi). Bien plus que cela, L'Ignorance utilise la figure de l'émigré revenu chez lui (Ulysse donc) pour parler de l'aliénation de l'individu. Aussi bien par les pairs que par la famille, les anciens amis, les nouveaux amis, la société, la langue, la culture, le devoir ou encore par soi-même. L'individu seul, égaré, à l'identité perdue, tel Ulysse définitivement perdu entre ici et là-bas. La crise existentielle contemporaine, à peine schématisée à travers les archétypes de Kundera, d'un monde sans héritage et sans idéal (tout cela s'est perdu dans les crises du XXe siècle), où règne la conformité comme seul moyen d'évasion face à cette angoisse. Une conformité impossible pour les figures en transit, comme les protagonistes du roman.
Irena et Josef. Elle retourne à Prague pour suivre son compagnon, lui afin d'exaucer le dernier souhait de sa défunte femme. Tous deux ont quitté le pays au moment de la montée des régimes communistes, mais pour des raisons en réalité plus personnelles. Lorsqu'ils se croisent en partance de Paris, elle le reconnait immédiatement, et lui pas du tout, mais se refuse à l'avouer. Pour tous deux, le retour au pays est rude...
Le propos est servi par une écriture polymorphe troublante (je l'admets, c'est mon premier Kundera, et il m'a fallu un petit temps d'adaptation), résolument moderne et ironique. Pour peindre ces personnages sans repères, cette écriture va jusqu'à détourner les codes romanesques, y compris certains des plus actuels (je pense notamment à la scène finale, le coït métaphysique graveleux employé comme clé de voûte facile bien trop souvent, ici détourné afin de produire l'exact effet contraire : une absence totale de sens et d'accomplissement, répétition des problématiques du roman sans possibilité de résolution).
Finalement, indirectement (ou non), c'est justement la dimension sacrée de cet esprit frondeur, pseudo-laïc, qui est exposée et foulée au pied, en forme de constat glaçant : nous sommes coincés, peut-être définitivement et irrémédiablement, dans ce monde qui nous est indifférent et auquel nous sommes indifférents.
Créée
le 15 avr. 2018
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