Un classique en appelant un autre, je ne pouvais que m'intéresser à la fameuse île du docteur Moreau après avoir voyagé dans le temps en compagnie de Wells. Il est ici question d'un quidam malchanceux, le narrateur de cette histoire qui, suite au naufrage de son bateau, est sauvé in extremis par un individu peu amène accompagnés d'étranges personnages, tous en route vers une île où les attend le non moins bizarre docteur Moreau.
L'île en question serait tout à fait respectable si le narrateur n'avait pas vite l'impression, rapidement suivie de certitude, que d'atroces expériences impliquant des animaux y sont livrées par ses sauveteurs. Si on ajoute à la recette une bande de sauvages patibulaires et serviles, on comprend vite que le récit n'aura, en matière de malsain, rien à envier aux Morlocks de la Machine à remonter le temps. Notre narrateur multiplie donc les découvertes traumatisantes en notre compagnie et parcourt ce monde absurde peuplé de créatures vaguement humaines, essayant de comprendre le pourquoi des agissements des deux individus à qui il doit la vie (quoiqu'il n'en soit plus si certain).
Il s'agit clairement moins d'un rêve que d'un cauchemar mais c'est tellement bien raconté qu'on s'y laisse entraîner sans le moindre souci. Quant aux thèmes abordés, ils sont délicats et traitent principalement de la frontière entre l'humanité et l'animalité, mais aussi de l'éthique en matière de recherche scientifique. Facile à lire, incontestablement, mais pas vain non plus. Evidemment, prétendre grossièrement le contraire s'agissant d'un livre qui a survécu à plus d'un siècle de lecture par des lecteurs de tous âges et aux vécus si différents serait particulièrement stupide, mais ça ne coûte rien de le répéter.