Après avoir été agréablement surprise par les talents d'écrivains de Stephen Fry en lisant Le Faiseur D'Histoire, la tenation était grande de vérifier s'il, s'agissait là d'un o e shot ou si le sir Fry était vraiment doué à ce jeu là.
Avec son île du Dr Mallo, Fry revisite à la sauce moderne notre vieux Comte de Monté Cristo dont la trame mêlée de jalousie, d'amour, de violence et de revanche est sans aucun doute intemporelle. Shakespeare aurait put l'écrire en son temps et dans deux siècles probablement, un autre auteur pourra toujours se délecter de ces problèmes si humains.
Dans cette "adaptation", Fry nous offre également quelques clins d'oeil à la littérature en générale, avec notamment le nom de cette pauvre Portia ou tout simplement avec le titre de son livre. Tel le Docteur Moreau sur son île, Mallo commence un processus de remodelage avec le pauvre Ned. À ceci près qu'au lieu d'humaniser des animaux, il réduit ce jeune être humain à l'état d'animal craintif et servile. Et à propos de clin d'oeil, les amoureux de SF reconnaîtront sans aucun doute l'introduction de la série originale Star Trek dans le speech télévisuel de ce cher Ashley. Stephen Fry a une culture bien variée et nous en fait gentiment profiter avec humour sans jamais paraître pompeux, ce qui est toujours agréable.
Mais revenons en à l'histoire en elle même. En reprenant une histoire si célèbre, Fry ne fait certes pas dans l'originalité, mais il fait dans le bon. La jeunesse glorieuse de Ned, son destin brillant, le sommet de sa gloire sauvagement mis en pièce par de prétendus amis puis sa descente aux enfers sont contés de telle manière qu'il est difficile de refermer son livre. J'avoue avoir un peu tiqué sur la durée du séjour de Ned dans l'île avant qu'il ne rencontre Babe (probable mais un peu long pour permettre le maintient de miettes de psyché en état) mais soit, ce n'est qu'un livre.
Sa renaissance auprès de son père spirituel quant à elle, donne un nouveau coup de niaque au roman alors qu'il aurait pu s'essouffler avec Ned. Le développement de notre (plus si jeune) héros, de son cerveau, de son intelligence et de sa volonté se découvre avec plaisir, et sa troisième vie, libre et géré par un esprit de revanche (plus que de justice), le lecteur la suit avec autant s'intérêt que de crainte pour sa pauvre âme (qu'aurait bien put penser ce cher Babe de son protégé ?). Dans sa traque, Ned nous montre que les grands de ce monde ne sont pas tous si bon qu'il y paraît, même ceux qui donnent dans les business les plus charitables vu de l'extérieur (rien de romanesque là dedans). Facile pour Ned de trouver sa vengeance lorsque les êtres qui ont causés sa perte ont fondé leur réussite (ou leurs échecs) sur de tels procédés.
Et de nos jours (enfin, déjà au tout début du millénaire), l'informatique est le plus sage et le p,us efficace des outils pour entreprendre une telle vengeance, Ned l'a bien comprit.
L'île du Dr Mallo n'a certes rien d'un grand roman ou d'un roman novateur, mais'la manière dont Fry fait évoluer son personnage est des plus passionnante. Dans la grandeur naïve de Ned, dans les bassesses de l'emprisonnement de Thomas comme dans les difficultés du nouveau Ned de revenir à la vie ou dans les pulsions vengeresse de Simon, l'auteur nous rend son personnage attachant, attristant et effrayant mais jamais ennuyeux. Un livre qui se lit vite et me confirme dans l'idée que monsieur Fry est décidément un bon raconteur d'histoire.