Comme Roberto de la Grive, perdu entre rêve et réalité, entre science et conscience, entre mer et espoir de la terre, sur la prison de bois que constitue la Daphne, comme lui, je me suis perdue dans ce livre.. J'y ai découvert des perles parfois, les débats pascaliens avec le père Caspar, les descriptions, d'une extrême érudition, de ce monde que le XVIIe projette dans des tourmentes et remises en question idéologiques, religieuses, géographiques et épistémiques, les sorties poétiques qui explorent le monde sous-marin aux alentours, les salons parisiens ou l'île jamais atteinte.
Mais j'ai perdu bien souvent le mince fil narratif dans ce labyrinthe d'idées et de récits enchâssés qu'Umberto Eco prend plaisir à brouiller. Les thèmes et motifs s'accumulent et se reflètent en méta-motifs de plus en plus obscurs, le double, le double du double, le rêve, l'essence de l'amour, la quête de soi dans un maelström assourdissant, et comme hébété face au remugle d'une mer déchainée, on y perd en intelligibilité. Et on perd aussi l'envie de suivre jusqu'au bout le destin de cet explorateur malgré lui de l'infini et de la relativité du temps et de la connaissance. Ou peut-être ai-je manqué d'une affinité pour ce pan baroque de l'histoire des idées, si fulgurant et amer, et de persévérance face à la remise en cause permanente de la place de l'homme dans ce nouveau schéma du cosmos.