Vous reprendrez bien encore une tranche de Grand Siècle ?
Le Grand Siècle. Le monde explose, dans toutes les directions, et peine à se retrouver des limites. Décentré, l'homme ne sait plus où donner de la tête et du sens. Il faut tout réinventer. Contrées nouvelles de la géographie, des mœurs, du savoir. Fin de l'analogie, et début es grandes classifications. Mais aussi voyages au long court sur les vents de la matières : jusqu'à la lune peut-être. On mesure le temps et l'espace, on se fait la guerre, impitoyablement.
Et dans tout cela, on lance des personnages à la surface des choses - le profondeur n'a plus d'intérêt, c'est l'infini des perspectives qui compte : le baroque et ses volutes, qui font de surface, volume.
Un des romans "historiques" d'Eco, où il s'agit au fond de donner l'esprit d'un siècle au travers du récit des aventures hautes en couleur d'un de ses membres, bien plus que de se raccrocher à de faits politiques réels - le roman en serait-il parsemé. On ne s'intéresse pas aux grands de ce monde - moins reconstituer un épisode politique de l'histoire, que tracer les contours du possible à un âge donné : détourer une épistémè, de façon romanesque plus que conceptuelle.
Tout cela est solidement bâti, totalement invraisemblable, encore que, truffé de cet humour érudit qui est la marque d'Eco, bref, un enchantement. Mais à l'instar de Baudolino, du même, sans doute convient-il d'en savoir un peu de l'époque pour entrer de plain pied dans le roman. Ce sont des récits labyrinthes, très violemment intertextuels, qu'on ne suit bien qu'à les rattacher à ce qui les motive : le Nom de la Rose, déjà écrit de la sorte, était sans doute moins déconcertant de se concentrer sur une intrigue policière (certes à haute valeur ajoutée théologico-philosophique, on est loin de Cadfael !). Rien de tout cela ici, juste des aventures incroyables, comme les récits de l'époque ont pu en produire. Assurément délicieux, assurément exigeant.