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L'Île panorama
7.3
L'Île panorama

livre de Edogawa Ranpo (1926)

L’utopie pervertie d’Edogawa Ranpo.

Après le retour à la vie du chef de la famille Komoda, décédé des suites d’une crise d’épilepsie et étrangement ressuscité, son caractère semble avoir changé du tout au tout ; il se comporte de façon incohérente, semblant pris de folie, et entreprend des travaux mystérieux pour transformer une île appartenant à sa famille, engloutissant toute sa fortune dans des travaux somptuaires.


«Au bout de trois ou quatre mois, un étrange mur de terre ressemblant à la grande muraille de Chine, entourait toute l’île, enfermant à l’intérieur des lacs, des rivières, des collines, et en son milieu, un énorme bâtiment aux formes curieuses, fait de béton et de poutrelles métalliques.
Je pense avoir l’occasion de vous expliquer plus tard ce que ce paysage avait d’extraordinaire et de magnifique. Je n’en parlerai donc pas maintenant, mais je vous laisse le soin d’imaginer ce que la réalisation complète du projet aurait pu avoir de fantastique. Malheureusement, un événement imprévisible vint interrompre ces gigantesques travaux au moment où ils allaient être sur le point d’aboutir.»


Dans ce court roman inspiré par «Le domaine d’Arnheim» et «L’enterrement prématuré» d’Edgar Allan Poe, la création d’un paradis artificiel d’une beauté absolue, délire d’une «réalité augmentée» fomenté par un étudiant obsessionnel, qui entrevoit avec le décès de Komoda la possibilité de réaliser son utopie en vampirisant son identité, va se transformer en cauchemar maléfique.


«Cette forêt illimitée avait la forme d’un nuage s’élevant à l’horizon, avec ses branches entremêlées et ses feuilles tassées les unes sur les autres qui avaient des reflets jaunes au soleil et qui, à l’ombre, prenaient un aspect trouble, noirâtre, comme la mer en profondeur. Ce qui était effrayant dans cette forêt, c’était le sentiment particulier qu’elle faisait naître progressivement dans le cœur de celui qui, debout sur la pelouse, l’observait dans son ensemble. Ce qui éveillait ce sentiment, c’était sans doute l’importance de cette forêt qui semblait supporter un ciel lourd et pesant. Ou bien, le parfum sauvage et entêtant qui se dégageait des feuilles. Mais en dehors de cela, un observateur attentif aurait certainement décelé la présence de quelque artifice diabolique. La forme générale de cette vaste forêt évoquait la silhouette d’une énorme créature fantastique. Les traces de ces artifices avaient été soigneusement effacées, et la peur qu’on éprouvait était d’autant plus grande et plus profonde qu’on ne faisait, justement, que deviner leur présence.»


Ce roman policier «déviant» publié en 1926, traduit en 1991 par Rose-Marie Fayolle pour les éditions Philippe Picquier, superbement adapté en manga en 2008 par Maruo Suehiro (disponible en France aux éditions Casterman), glisse du réalisme vers le macabre et l’érotisme mâtinés de grotesque, et la distance y est mince de la magie à l’horreur, du sublime à l’écœurement, de la beauté ultime façonnée par l’homme à l’abomination de la cascade de chair, fantasme qu’on retrouvera, amplifié, dans «La bête aveugle».


À «L’île panorama» répond en miroir le fascinant «Démon de l’île solitaire», où l’homme rêve de façonner non pas la nature mais les corps, sur une île encore plus inquiétante.


Une soirée consacrée à l’œuvre d’Edogawa Ranpo aura lieu le 17 septembre prochain chez Charybde, à l’occasion de la parution en français du «Démon de l’île solitaire», en compagnie de sa traductrice Miyako Slocombe et de Stéphane du Mesnildot, écrivain, critique aux Cahiers du cinéma et grand lecteur d’Edogawa Ranpo.


Retrouvez cette note de lecture sur mon blog ici :
https://charybde2.wordpress.com/2015/09/14/note-de-lecture-lile-panorama-edogawa-ranpo/

MarianneL
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le 14 sept. 2015

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MarianneL

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