L’oiseau bleu d’Erzeroum de Ian Manook, présentation
1915, Erzeroum, Arménie turque, Araxie et Haïganouch sont soeurs. La première a 10 ans et la seconde, 6. Elles vivent avec leur mère car leur père est parti à la guerre.
Des pillards les agressent. La mère des deux fillettes est tuée. La petite devient aveugle.
Elles sont recueillies par la famille.
Avis L’oiseau bleu d’Erzeroum de Ian Manook
Tout commence lorsque deux petites filles assistent au viol et à l’exécution de leur mère. Araxie avait réussi à se cacher. Mais Haïganouch, 6 ans, est devenue aveugle. Sans parents, elles ont été confiées à leur oncle et leur tante. Mais à Erzeroum, la tension et la peur sont palpables. Très vite, ils font l’objet d’une mesure de déplacement. Ils doivent partir.
En chemin, ce seront des pertes, des désolations, des meurtres. Les petites filles survivent grâce à une vieille dame. Elles seront ensuite vendues pour devenir esclaves de la fille d’un médecin turc qui a été mariée.
Toute l’horreur vécue par tout un peuple, de nombreuses familles, des enfants qui se sont retrouvés orphelins. Après ces semaines d’errance, les deux petites filles vont retrouver un semblant de joie auprès de leur jeune maîtresse et cette famille. Elles s’entendent bien toutes les trois, même si elles n’ont pas la même nationalité, même si elles sont les esclaves. Mais après ce mariage, la vie sera franchement dure pour les trois jeunes filles. Elles sont fières, elles ont du caractère ce qui n’est pas du goût de cette famille de riches turcs. Elles arriveront à s’en sortir, mais l’une aura encore été vendue. Et ensuite ce sera l’exode vers la France.
Rencontres en chemin, amour, intégration ensuite en France, trouver un emploi, fonder une famille, retrouver des êtres chers et toute une évolution au fil des ans.
Depuis la série Yeruldegger, quand j’achète un livre de Ian Manook – Roy Braverman, j’y vais les yeux fermés. Auteur que j’aime beaucoup même si Mato Grasso n’a pas remporté toute mon adhésion. Mais vu tous les romans lus de cet auteur, je pense que je suis fan. Fan du style, fan de l’écriture, fan des histoires. Donc, dès que j’ai vent de la sortie d’un roman, j’achète et je lis pratiquement dès réception.
Ian Manook nous offre une magnifique histoire romancée sur le génocide arménien, ce qu’ont vécu toutes ces familles. Il y a de la terreur, des exactions, de l’amour, de l’espoir, l’arrivée également d’une sombre période de l’histoire. C’est un livre pour les Arméniens mais aussi pour tous les autres, dont moi. En 1986, je passais mon baccalauréat, j’avais appris tous mes cours d’histoire par coeur. En Terminale A1, à l’époque, les deux guerres mondiales étaient au programme, notamment la seconde, mais je ne me rappelle absolument pas avoir abordé ce passage de l’histoire et le génocide arménien. Les années suivantes, jusqu’à maintenant, j’en ai entendu parler, on va dire vaguement, sans m’y intéresser forcément, par mes lectures. Ce qui s’est passé dans ces années-là, entre les communautés arméniennes et turques, est du même acabit que ce qui s’est passé sous Hitler. Ce dernier aurait-il pris exemple sur ce génocide ? Un très mauvais exemple. Car toutes ces déportations, ces déplacements de personnes, ces viols, ces meurtres commis envers les Arméniens sont d’une horreur indescriptible. Certes, l’histoire est romancée mais comme dans tout pan de l’histoire, ceux qui travaillaient pour les hommes au pouvoir, comme des soldats, au péril de leur vie, ont tenté de sauver quelques personnes. Et heureusement. Sur le nombre, cela n’est pas énorme, mais ces personnes ont pu vivre, malgré les horreurs vécues et ce qui reste dans leurs souvenirs. Pourtant, au moment de ce génocide, les consulats et leurs représentants n’ont pratiquement rien fait contre les Turcs au pouvoir. Oui, ils étaient au courant de ce qui se passait, mais ils ne voulaient pas prendre parti afin d’éviter tout problème dans les relations internationales. Des associations ont oeuvré et ont, très certainement, permis de sauver des familles, des orphelins. Cela me rappelle également ces histoires de réfugiés qui prennent la mer, au péril de leur vie, pour tenter de rejoindre l’Europe. Le graal, ici, pour eux, était le Liban et ensuite Marseille, pour certains. Il est vrai que la communauté arménienne est importante en France, et notamment à Marseille. Ici, aussi, heureusement, que l’organisation était présente pour leur permettre de travailler ou de retrouver leur famille.
C’est le roman de plusieurs rencontres, c’est le roman de l’amitié, c’est le roman de l’amour, c’est le roman de la famille. C’est également le roman de la couleur bleue, que l’on retrouve très souvent dans les pages du roman.
Je pensais que Ian Manook allait me faire pleurer. Ce n’est pas le cas, mais j’ai été souvent émue. J’ai également souri par certains traits de caractère et certaines phrases. J’ai pratiquement aimé tous les personnages et surtout leur destin, plus ou moins funeste. Il n’y a pas que le génocide arménien dans ce roman. Il y a Staline, Hitler, l’arrivée des premiers réfugiés et personnes étrangères en France qui ont trouvé du travail dans les usines, notamment aux alentours de Paris. Ils effectuaient un dur travail, de nombreuses heures. Il y a les premières grèves, les premiers droits envers les travailleurs.
Est-ce que ce livre doit s’arrêter là ? Ian Manook est un habitué des trilogies. Trois romans, cela pourrait peut-être être trop, mais j’aimerais réellement connaître le destin de ces deux soeurs. A moins que cela ne soit trop personnel pour l’auteur.
L’oiseau bleu d’Erzeroum est mon coup de coeur de mai.