Un livre à lire en contrepoint de l'oeuvre de Johann Chapoutot. Chapoutot étudie principalement le nazisme sous l'angle de l'idéologie, de l'idéal nazi, des valeurs nazies. Quant à lui, l'auteur de ce livre analyse comment l'idéologie nazie a eu du mal à réellement pénétrer l'esprit de la population allemande. Ian Kershaw évoque les différentes raisons qui ont provoqués une résistance à la propagande de Goebbels.
Le livre se divise en deux parties : l'opinion allemande avant la guerre, l'opinion allemande pendant la guerre. Dans ces parties, Kershaw prend le point de vue d'une catégorie sociologique de la population (en fonction de la classe sociale ou de la religion, principalement) et explique quelle était l'opinion et le comportement de cette catégorie sociale sous le IIIe Reich. Cependant, le côté frustrant de ce livre est qu'il étudie la Bavière et non l'Allemagne dans son entièreté. Il serait donc intéressant de voir à quel point l'analyse produite est spécifique ou non à cette région. Il ressort cependant du livre qu'hormis quelques spécificités bavaroises, le gros du résultat est applicable à l'ensemble de l'Allemagne.
On ressort du livre avec un sentiment ambivalent : d'un côté, l'absence de réussite de la propagande nazie qui a échoué à transformer totalement les "masses", à les faire adhérer entièrement à ses valeurs, ce qui est rassurant, et de l'autre côté, les quelques "résistances" au IIIe Reich étaient franchement superficielles et, en un sens, elles étaient médiocres et décevantes. La conclusion que l'on en tire est le caractère apathique et totalement indifférent d'une population face à un régime qui a détruit puis remplacé une République de Weimar détestée par cette même population.
Les causes de mécontentement sont superficielles face à l'oeuvre démoniaque du nazisme. Ces causes sont soit purement matérielles (mécontentement face à aux pénuries de denrées et de main d'oeuvre, etc.), soit purement religieuses (défense du christianisme face à la propagande laïque / païenne du nazisme).
Le caractère belliciste du régime et l'oppression des juifs sont acceptés par la population. La guerre est regardée comme une fatalité. Concernant les juifs, les lois discriminatoires les concernant sont parfaitement acceptées. La Nuit de Cristal choque cependant l'opinion, mais uniquement parce que le moyen employé est barbare ; au fond, l'antisémitisme est toléré dès lors qu'il rentre dans un cadre légal.
En bref, un livre très intéressant qui répond à beaucoup de questions que n'importe qui s'est posé concernant le régime nazi.