« L’Unité Alphabet » de Jussi Adler Olsen – La chronique qui ne sort jamais sans son abécédaire !

Non, l’unité alphabet n’est pas un conglomérat de profs de français, adeptes forcenés du Petit Robert, qui flagelle sauvagement les élèves récalcitrants à leur enseignement. Ce n’est pas non plus le collectif à l’origine de l’écriture inclusive qui terrorise les rigoristes de la langue.
L’Unité alphabet était l’unité de soin d’un hôpital psychiatrique militaire allemand (on admirera l’ironie du mot « soin » au vu des sévices infligés pour guérir les patients) qui traitait les soldats nazis blessés au combat et souffrant de troubles psychologique plus ou moins graves et plus ou moins avérés.


Leur but était de guérir ces soldats et de les renvoyer le plus vite possible au front et de déceler les simulateurs, aussitôt exécutés une fois découverts. Brrrr…


Les méthodes et autres expérimentations ne prônaient évidemment pas les câlins et la douceur mais plutôt de douloureux et atroces traitements. On est chez les nazis quand même !


Bref typiquement le lieu où personne ne voudrait tomber…


Pas de chance ! C’est exactement là où vont se retrouver pris au piège deux soldats britanniques, suite au crash de leur avion en plein territoire ennemi. Pour survivre, ils vont devoir prendre l’identité de deux hauts gradés nazis considérés comme déficients mentaux suite à de graves blessures de guerre. Et là, ça va pas rigoler !


Voilà t’as le pitch de base. Le roman démarre en pleine seconde guerre mondiale dans sa première partie et se poursuit en 1972 durant les jeux olympiques de Munich dans sa seconde. Si c’est pas un joli programme ça !


Alors, pour se placer dans le contexte chronologique de l’auteur, « L’Unité Alphabet » est le premier roman de Jussi Adler Olsen publié au Danemark (nous informe l’éditeur), totalement indépendant des enquêtes du Département V. Albin Michel a puisé dans les réserves. Mais quelle réserve !


CE ROMAN EST UNE SOUFFRANCE…


pour ses personnages que l’auteur n’épargne pas. Il est vrai que Jussi n’y va pas avec le dos de la cuillère. Les pauvres ! A circonstances exceptionnelles, traitement exceptionnel, Olsen s’emploie à leur faire vivre des situations à faire dresser les cheveux sur la tête d’un chauve !


Même si l’histoire met un peu de temps à s’installer, c’est une véritable plongée dans l’horreur humaine qui vous y attend.


Pas de manière graphique mais insidieuse, psychologique et entêtante. L’auteur décrit de manière clinique les pathologies et les traitements infligés aux patients, le tout baignant dans une atmosphère étouffante.


Ce roman est lent, méticuleux, pas avare de détails. C’est au scalpel que Jussi Adler Olsen découpe minutieusement et par fines tranches son intrigue.


La première partie est atrocement géniale, douloureusement et délicieusement cruelle, un jeu d’échecs psychologique entre les protagonistes, un « survival » en milieu psychiatrique nazi. Dans la note de l’auteur en fin de roman, on apprend que Jussi Adler a passé sa jeunesse dans les couloirs de l’hôpital psy où travaillait son père en tant que psychiatre. De là est née sa fascination pour l’étude de l’aliénation et ce sont ses questionnements qui nourrissent ce livre.


La seconde partie, moins resserrée et confinée dans l’espace, est plus rythmée. Elle propose une enquête à multiple rebonds qui apportera son lot de réponses et de frissons trhilleresques.


On n’y retrouve certes pas l’humour acerbe voire désabusé d’un Département V mais pour un premier roman, force est de constater la solidité du storytelling d’un des maîtres du polar scandinave !


Mais « L’Unité Alphabet » est surtout l’histoire d’une extraordinaire amitié, certes imparfaite, avec ses petits travers, mais aussi avec ses envolées du cœur, terriblement humaine en fait, troublée par les ravages du temps qui passe et la douleur des renoncements.


Les dernières lignes du roman sont superbes, éthérées, fragiles. Pas sûr qu’elles cautériseront les plaies mais elles clôturent le livre avec délicatesse.
NDA : !!! Ne lisez surtout pas la quatrième de couverture qui vous révèle quasiment la moitié du roman !!!
https://cestcontagieux.com/2018/09/09/lunite-alphabet-de-jussi-adler-olsen-la-chronique-qui-ne-sort-jamais-sans-son-abecedaire/

David_Smadja
8
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le 3 oct. 2018

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