Avant d'arriver à la conclusion j'étais partis pour descendre un peu la note de L'Utopie de Thomas More ; la raison en est que j'avais l'impression que cette société utopique mise en avant par le récit du personnage de Raphaël était incontestable et incontestée par l'auteur et les auditeurs du navigateur. Mais arrive donc cette conclusion dans laquelle Thomas More émet intérieurement des réserves voir des critiques sur certains points... mais les garde malheureusement pour lui et prive le lecteur de leur intérêt.
C'est dommage mais en même temps cela m'a rassuré car je craignais que cet essai ne soit qu'une apologie d'une société purement fictive qui me chagrine sur certains aspects.
Il y a bien entendu beaucoup de positif dans le modèle utopique, son rapport à l'argent éloigné du capitalisme déjà cannibale à l'époque de Thomas More, le traitement réservé aux délinquants/criminels plus humain que dans l'Angleterre de l'époque, la justice et la tolérance qui règnent dans beaucoup de domaines, et puis ce collectif qui règne en maître.
Oui mais justement cette mise en avant du collectif me semble un peu déshumaniser l'individu, et cette rigueur, cette discipline collective me semble parfois militariste et mécanique. Tout semble tellement organisé, planifié, que la liberté paraît enchâssée (mais elle existe malgré tout) dans un tel cadre de règles et d'évènements prévus qu'elle devient trop restreinte. D'autres points comme le rapport aux indigènes peuvent être choquant et faire que cette Utopie ne rejoint pas l'acception que l'on en fait aujourd'hui.
La première partie m'a par contre plu de bout en bout ; critique acerbe mais argumentée et précise de la société anglaise de l'époque, du capitalisme en général et des mœurs occidentales dans ce qu'elles peuvent avoir de déplorable et d'injuste, cette longue remise en question du système de l'époque se veut un brin fataliste. On comprend bien que Thomas More, à travers Raphaël, n'essaie pas de convaincre le lecteur que cela peut changer, en tout cas pas avant quelques siècles, mais cherche plutôt à démontrer le caractère absurde des contradicteurs qui se veulent réalistes (à l'opposé de toute utopie).
Et pour refaire le monde faudrait-il encore emprunter à l'Utopie (avec un grand U)... certaines choses (mais pas toutes) !