Commençant à terminer mes livres de l'été, je naviguai sur les sites littéraires à la recherche d'un nouveau bouquin. Le nom d'Elif Shafak revint souvent, et je me décidai à lire la bâtarde d'Istanbul... Pourquoi celui-ci en particulier? Parce que le titre "claque", il saute aux yeux et attise une certaine curiosité : le terme de bâtarde évoque toujours un inconnu, des conflits familiaux et la difficulté de se construire derrière ce terme. Tout cela me parle, je suis curieux, je vais à la bibliothèque pour l'emprunter.
Je commence la lecture et, sans surprise, ces thèmes sont bien apparus. Au milieu d'un nombre assez conséquent de personnages, on découvre Asya la bâtarde et ses blessures. S’immisçant entre les deux histoires familiales racontées, Asya ne me surprend guère... Pourquoi alors donner un 8 à ce livre?
Parce que Asya fascine dans son interaction avec les autres personnages qui sont tout aussi fascinants! Je me corrige: ce n'est pas Asya qui fascine, mais ses interactions avec les différents protagonistes. En vérité ce n'est pas la bâtarde d'Istanbul l’héroïne, mais Istanbul avec ses habitants, anciens ou actuels, turcs ou arméniens.
Ainsi vient ma première critique de ce livre: avec le choix de ce titre, on se focalise trop sur Asya, ce qui nous amène à deviner la suite et la fin de l'histoire assez facilement. Les twists sont trop attendus. Néanmoins, ce sera ma seule critique.
En effet, ces twists téléphonés ne changent rien au plaisir de la lecture. Au contraire, on a même la farouche envie d'arriver au twist, simplement pour voir comment tout ce petit monde va réagir. Elif Shafak excelle dans la mise en place des personnages et la création de leurs personnalités, à tel point que ce ne sont plus les événements qui nous intéressent mais la façon dont ils vont être gérés. C'est un livre touchant, troublant et - comme tout bon livre - il nous emmène dans un Istanbul que nous ne connaissons peu, l'Istanbul cosmopolite né de son passé trouble, de sa tragédie cachée et de sa fracture entre traditionalisme et émancipation.
En un certain sens, ce livre pourrait me faire penser à une œuvre inconnue écrite par Salman Rushdie, car Elif Shafak allie histoires familiales multiples qui se croisent, quelques bribes de mystère et de magie, des fractures sociétales, des conflits qui n'en sont pas et les réconciliations qui vont avec. Mais - et c'est à mon sens la grande force de cette œuvre - elle manie à la perfection l'art d'écrire des drames sans vouloir dramatiser, parce que la vie n'est qu'une question de contexte, de coïncidence et que chaque petit détail peut amener à la plus grande des tragédies.