Une nouvelle histoire, la même magie !

J'ai enfin fini La Belle Sauvage, le premier volume de la Trilogie de la Poussière. On sait que le volume suivant se passera 7 ans après le Miroir d'Ambre et qu'on en sache plus sur la vie de Lyra adulte à ce moment là.

Je suis un vrai fanboy de cette saga donc mon avis n'est pas du tout objectif. Je ne spoile pas mais je parle des thèmes du roman et je présente les personnages principaux. Si vous voulez vous garder la surprise totale, vous avez le droit de ne rien lire du tout.

Cela fait plus de 15 ans que j'ai fini ma première lecture de la trilogie His Dark Materials (A la croisée des mondes). J'en étais sorti déchiré, comme si j'avais du me séparer de mon Daemon et que celui ci était resté dans le livre tandis que moi j'avais du faire ma vie ailleurs. C'est un sentiment qui me semble logique tant cette longue aventure parle du fait de devenir adulte et de perdre quelque chose (pour les daemons c'est la capacité de se transformer) mais aussi de gagner une identité propre. Il y a des œuvres qui vous construisent, vous nourrissent intérieurement.
La fin de La Belle Sauvage m'a laissé pantois, certes les larmes aux yeux (mais c'est tellement facile avec moi que ça ne veut pas forcément dire grand chose). Néanmoins frustration est le mot car on en voudrait plus. Et pourtant ce livre est un pavé, qui commence lentement mais qui va nous présenter des personnages,créer une ambiance puis tendre le tout jusqu'à un climax d'où suivront pleins de rebondissements jusqu'à la dernière page.

Après réflexion je ne conseille pas cet ouvrage à ceux qui ne sont pas déjà familiers du monde de Lyra, simplement car l'histoire nous spoile des mystères importants de la trilogie originale. Ensuite car je pense également que certains passages sont beaucoup moins forts si on n'aime pas déjà les personnages dont il est question.

Nous découvrons un nouveau héros : Malcolm, 11 ans et Asta son daemon. Il est intelligent et débrouillard. Il mène une vie simple avec ses parents dans leur auberge de la Truite. Le jeune garçon aide au service et aime écouter ce que disent les clients. Il passe aussi beaucoup de temps au prieuré non loin de chez lui pour aider les sœurs à faire la cuisine ou bricoler. Très vite il va entendre parler d'un bébé de 6 mois qui vivrait dans le prieuré. Et on comprend que d'autres personnes sont elles aussi très intéressées par ce petit être. On suivra également Alice, 16 ans et Ben son daemon mais aussi Hannah Relf (euh j'ai pas son âge) et Jesper son daemon marmouset.

Pullman a l'art de créer des personnages attachants, détestables ou particulièrement gris. Si certains personnages sont manichéens ils sont toujours entourés par d'autres bien plus subtils. Malcolm et Asta sont un soleil dans cette histoire, mais un soleil avec la force d'une flamme de bougie sous une véritable tempête.
Les autres personnages ne sont pas en reste. Ceux que l'ont connaît déjà ont toujours les mêmes subtilités. On découvre deux nouveaux personnages féminins, le professeur Hannah Relf (que l'on retrouve au début des Royaumes du Nord) et Alice. La première est très vite un délice à découvrir et la seconde mettra plus de temps à montrer son potentiel mais c'est logique vu leur caractère et puisque l'on suit Malcolm avant tout ainsi que son point de vue.
Revenons sur Alice un instant. On la découvre au fil de l'aventure. Apparemment la vf a édulcoré son langage qui est très fleuri en vo. J'ai vu que certains ont critiqué son écriture et il est vrai qu'elle sert un peu de mère ou de femme en détresse. Cependant son caractère aide à la rendre vraiment intéressante et c'est à travers son regard que l'on comprend mieux certains thèmes de ce roman.

Encore une fois Pullman nous parle de ses sujets favoris : le totalitarisme, l'obscurantisme, lutter contre les dogmes, et le passage de l'enfance à l'âge adulte. L'apprentissage de l'enfant par l'expérience est mis en avant, mais aussi son ouverture d'esprit. La culture et l'école sont chères à Pullman et on le ressent à nouveau (attention une école qui ouvre l'esprit et non qui le ferme).
Si l'embrigadement est un des sujets principal du livre, la difficulté d'affronter des situations traumatisantes l'est encore plus. L'auteur parle donc de thèmes vraiment durs, choquants, d'une manière à pouvoir être compris sans être montrés aux enfants. Certains éléments durs et effrayants sont suggérés. Or l'antagoniste principal du roman est peut être un des pires que vous aurez l'occasion de découvrir. Et son écriture le rend encore plus emblématique. Rien que l'idée de sa présence finit par effrayer plus que sa présence elle même.

Le rapport des humains à leur daemon est encore une fois intelligent et permet de véritables réflexions sur le déterminisme. C'est toujours une manière profonde de travailler un personnage et de pouvoir montrer ses différentes facettes. L'intime est encore une fois présent.
Beaucoup de choses semblent faire écho à notre monde, à l’actualité de celui-ci. Les enjeux des enfants et ces des adultes (bien que plus éloignés pour nos héros) se croisent et tissent une toile de grande envergure.

Au final, La Belle Sauvage est un formidable retour dans ce monde parallèle qui sème beaucoup de mystères et qui se garde bien de répondre à tout. L'ambiance y est aussi un peu plus type espionnage que ce que l'on a connu. Mais l'intelligence, la puissance et l'intensité du texte, des personnages et de l'histoire sont là. En me relisant j'ai l'impression d'avoir beaucoup écrit mais de ne rien avoir dit finalement. On en ressort peut être dans le même état que les héros et il est difficile de se dire que c'est terminé pour l'instant. J'en veux plus, encore et très vite.