Il s'agit d'un ouvrage de synthèse en 12 chapitres d'en général une vingtaine de pages qui fait le point sur les acquis récents de l'archéologie biblique. Une telle synthèse est salutaire pour ceux qui, comme moi, n'y sont pas très familiarisés. J'avais été interloqué, lors d'un voyage à Jérusalem, par le fait que le noyau originel de la ville se situe au-dehors des murailles actuelles, et qu'on n'y trouve fort peu de monuments.
C'est un ouvrage de discussion, qui confronte à la fois la Bible, l'archéologie et les théories antérieures. L'argument est donc serré et demande de l'attention et de la mémoire. Heureusement le propos est bien illustré : le lecteur peut s'appuyer sur une profusion de cartes, tableaux, relevés de fouille fort évocateurs.
Chaque chapitre a globalement la même structure : tout d'abord un rappel de ce que dit la Bible, puis une convocation des trouvailles archéologiques, qui bien souvent font mentir l'Ancien Testament, et enfin une discussion étayée qui aboutit à des conclusions.
La thèse principale, défendue de manière convaincante, est que l'Ancien Testament aurait été en grande partie composé à l'époque de Josias, au VIIe s. av. J.-C., après que les Assyriens aient envahi le royaume d'Israël (nord d'Israël, centré sur Sichem et Megiddo. Restait le faible royaume de Juda, centré sur Israël, avec à sa tête le roi Josias. Celui-ci prétend avoir retrouvé le texte fondateur du peuple juif, épopée nationale en réalité écrite à cette époque.
Dès lors, tous les récits de l'Ancien Testament s'expliquent par un seul but : réécrire l'histoire pour affirmer que le Nord, riche et ouvert est tombé à cause de son impiété, et affirmer que le sud, monothéiste, est le garant de l'identité juive. Il en découle que :
- Le récit des premiers patriarches et de leurs déboires avec les peuples voisins est en réalité un patchwork de mythes populaires : ces peuples n'existaient pas au XIIIe s. av. J.-C.
- L'exode de Moïse ne trouve pas d'écho archéologique et s'inspire de la géographie de l'époque de Josias. La fuite d'Egypte est une fable nationaliste, qui s'inspire peut-être de migrations vers l'Egypte à cause de sécheresse et voit les Hébreux battre le pharaon.
- La conquête de Canaan reflète plutôt la géopolitique du VIIe s., et les velléités de Josias de remettre la main sur les terres du Nord : les Juifs des premiers temps ne semblent pas être venus de Mésopotamie, ni avoir eu une culture matérielle -et même religieuse - différente de celle de leurs voisins.
- Les prétendues turpitudes du royaume du Nord ne servent qu'à préparer le récit de leur invasion par les Assyriens. Par ailleurs le règne d'Achab, décrit comme un parangon d'idôlatrie, semble avoir été une époque de grande prospérité du royaume du Nord (omride), au IXe s. av. J.-C. Le royaume du Sud et Jérusalem devront attendre deux siècles avant d'atteindre un niveau équivalent.
La conclusion ouvre intelligemment sur la manière dont la Bible, avec ses thèmes récurrents de lutte contre un oppresseur, de quête de pureté et de justice sociale, a pu parler à des peuples fort différents : les Maccabées de la Judée hellénistique, les colons américains du XVIIIe s., etc...
Un livre très intéressant et solide, peut-être un peu long : une fois qu'on a compris le procédé, il aurait été facile d'alléger un peu pour aller à l'essentiel, en fusionnant certains chapitres par exemple.