L'exploration d'un hôtel particulier sis rue de Grenelle est le prétexte à l'écriture de l'histoire familiale des Boltanski.
En effet, pièce par pièce (en commençant, de façon drôlatique, par la voiture, véritable appendice de l'appartement !), le narrateur se livre à un tableau, par petites touches, de cette famille fantasque, recomposée, aux origines diverses (mi-bretonne mi-juive), à l'histoire chaotique (la cache pendant la guerre, le refus de laisser partir ses enfants...). A travers un quotidien bohème, on découvre une enfance pas comme les autres, mais aussi et surtout deux figures très particulières, celles des grands-parents. Un grand-père intellectuel, timide, effacé, presque reclus ; une grand-mère volontaire, marquée par un handicap qu'elle refuse, véritable personnage de roman. Et des enfants aux destins croisés, une famille aux mœurs inclassables, dans laquelle on ne peut se reconnaître (enfin moi du moins je ne m'y suis pas reconnue !), mais cela ne nuit pas à la qualité du roman.
Une plume fine et mystérieuse à la fois, qui m'a rappelé du Modiano par moments. Beaucoup de modestie dans le texte, alors que tout est centré sur la famille du narrateur ; on sent beaucoup de respect, d'amour, un peu d'incompréhension distante aussi. Le parti-pris de suivre les pièces du logement peut sembler un peu artificiel (il l'est, en fait !), mais je pense que c'était un moyen pour l'auteur de légitimer sa démarche, de "se lancer" dans quelque chose de très personnel en passant par quelque chose de totalement impersonnel et matériel, cet hôtel particulier qui semble autant modeler les habitants qu'être modelé par eux.
J'ai aimé cette lecture tout en finesse, en douceur, en amour filial et en petites touches historiques sans lourdeur, sans apitoiement. Une plume à suivre.