Pas écrit comme le ferait un européen
Difficile de passer après la critique de Tiggerlilly...
"La caravane" est un livre qui suit le voyage en camion, à cheval et en chameau d'un groupe de Touvas, une minorité mongole qui a perdu sa terre sous l'URSS, et veut la regagner. Mais le livre ne nous prend pas par la main : le premier chapitre, "la pré-histoire", raconte l'assemblée au cours de laquelle les Touvas sont dépouillés de leur canton et réduits au silence, puis d'autres chapitres sur la lente gestation du projet dans l'esprit de l'auteur, eux-mêmes entrecoupés de chapitres sur les préparatifs et les débuts peu engageants. Puis après ces cents premières pages assez déroutantes, notamment du fait de l'onomastique mongole assez dépaysantes (le lexique en fin de volume est en revanche fort utile), on passe au journal de bord de l'auteur.
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Et là encore, c'est déroutant, pour des raisons culturelles. Là où un auteur européen s'attarderait sur les individualités, sur l'affranchissement momentané à la vie sédentaire, bref ferait du romantisme, Galsan Tschinag ne cesse de râler sur la cupidité de ses compatriotes, l'alcoolisme, et tient le registre des vols ou des fausses frayeurs avec une mentalité d'épicier. Il a certes un oeil pour la beauté des paysages, mais plus souvent, il porte attention à la décadence dans laquelle le pouvoir soviétique a placé son peuple, et se pose en chef implacable, assez désabusé. On sent aussi sa morgue vis-à-vis de l'équipe de vidéastes allemands qui accompagne le groupe pour garder leur épopée en mémoire. Ce n'est que dans la dernière partie que Galsan Tschinag s'avoue satisfait de voir son groupe s'être fait à la vie nomade, quoiqu'il ne s'étende pas outre mesure sur les conditions matérielles, comme si cela était un fait acquis. Disons que pour un Européen, c'est assez peu pédagogique. Même le récit de l'arrivée arrive un peu comme un cheveu sur la soupe.
C'est donc un ouvrage qui ne donne pas l'impression d'avoir été écrit pour le public occidental, et auquel, en positiviste, je reprocherai notamment que l'on ne saisit pas bien la frontière entre la réalité autobiographique et la fiction.