La Carte et le Territoire par Silphi
Je ne dirai pas qu'il s'agit d'une critique mais plus d'un sentiment général. Je n'ai jamais fait de mystères quant au fait que j'aime beaucoup MH et l'ensemble de sa production jusque là.
Et si je l'apprécie autant c'est notamment pour son style mais surtout pour sa propension à la subversion et son talent pour dépeindre une certaine forme de dépression très masculine.
En ce qui concerne son dernier roman, je suis un peu resté sur ma faim pour être honnête.
Autant la qualité d'écriture est présente, autant on y trouve, au travers des agissements et états d'âme des divers personnages ce côté un peu dépressif, autant je cherche encore ce qui a fait la griffe de MH et ce côté légèrement subversif qui permettait d'engager des débats passionnés sur chacun de ses livres avec un plaisir tout empreint de gouaille et de mauvaise foi.
Ici, nous avons un récit qui fonctionne bien, il faut l'avouer; à la structure un peu décousue certes mais dont le ton général passe bien.
Un récit qui vous porte sans heurts jusqu'à la fin. C'est propre, c'est efficace et du coup... c'est lisse.
Pas d'aspérité. Nulle part. Je passerai outre la pseudo-polémique relative à l'utilisation de passages de Wikipedia au sein du roman pour avouer ma tristesse de ne pas avoir trouvé un seul sujet méritant de s'y arrêter.
Le paradoxe étant que j'ai quand même passé un très bon moment en le lisant.
Pour l'anecdote, quand j'ai entendu le titre de ce roman, j'ai cru à un moment qu'on aurait affaire à un travail sur les concepts de carte, de territoire et de représentativité de l'un et de l'autre, ce discours si cher à Maurice Dantec.
Si l'on trouve bien ces éléments en filigrane, ils sont tellement loin de l'action qu'on ne peut même pas engager un de ces débats philosophiques sur la belle dualité de la carte et du territoire.
Cependant, une référence rapide aux zones d'autonomies temporaires me laissent à penser qu'on a, en deçà du roman, un début de réflexion autour du traité d'Hakim Bey et de la recherche d'espaces de liberté au sein d'une société de plus en plus contraignante (mais peut-être est-ce juste ce que j'aimerai voir derrière et que c'est sans fondement).
Au final, je dirai que le roman vaut la peine d'être lu pour passer un bon moment par contre, il n'est absolument pas dans la continuité de Houellebecq et ne reflète pas du tout le reste de sa production.
En ça j'ai été un peu déçu.
On pourrait même dire que cet ensemble si policé, si lisse n'a été fait que pour un objectif : obtenir ce fameux Goncourt qui manquait à la collection de l'écrivain. De même que cette image si modeste et sympathique de l'écrivain légèrement dépressif qu'on a pu voir partout sur chaque plateau télé depuis la parution et qui est si loin de l'image de l'auteur à l'époque de « Plateforme » ou de « la Possibilité d'une île ».
Donc maintenant qu'il a eu son Goncourt, peut-être qu'on pourra revenir sur des choses un peu plus substantielles la prochaine fois ?