Comment peut-on éprouver du plaisir à voir d'autres personnes souffrir à l'écran? Cela semble irréel, impossible. Et pourtant avec le succès récent d'une série comme Squid Game sur Netflix, cette série coréenne ultra violente et sanglante àù la mort et la terreur psychologique sont légion, tout laisse entendre qu'il y a une frange de la population attirée par la vision de ces horreurs. Cela reste de la fiction. Mais une infime portion de déviants en veut plus et adepte de "snuff movies", ces films de meurtres en direct qui se passent "sous le manteau". Et même pire, en live streaming. C'est ce qu'illustre Jack Jakoli dans "la catabase", son premier roman paru aux éditions ifs dans la collection phénix noir.
Tout commence par une horrible scène de torture, inhumaine, insoutenable, celle d'une femme qui se fait trucider méthodiquement par un être ignoble répondant aux demandes de son public en ligne. Rapidement, l'équipe policière enquêtant sur la mort de cette femme va aboutir à l'arrestation de Gabriel Dumas, facteur de son état, amant occasionnel de la victime et reconnu par un détail physique apparu lors du visionnage du DVD de ce snuff movie. Incarcéré et condamné, Gabriel Va subir un harcèlement carcéral et un traitement physique à l'aune de ce qui lui est reproché. Mais est-il vraiment coupable, lui qui clame son innocence?
Jack Jakoli, policier belge de profession, commet ici son premier roman et on ne peut pas dire qu'il faut dans le soft. D'entrée, il décrit crument les actes de torture infligés à la victime, ce qui campe magnifiquement le "background" de l'histoire. On retrouve le côté âpre et sans concession d'une plume comme celle d'Antoine Chainas ou encore Dantec dans les racines du Mal. Mais là où le récit est très intelligent, c'est qu'après avoir pris ce direct en pleine face d'entrée de lecture, l'auteur prend le temps d'installer Gabriel, l'accusé, Steven, le mari de la victime et la paire d'enquêteurs. Sur dix ans, la catabase embarque le lecteur dans cette détention, la vie carcérale avec les sévices subies, la rencontre avec le co-détenu. Le récit va interroger sur cette course à l'horreur que mène des pontes pour ressentir encore, eux qui ont déjà tout et pour qui le monde qu'ils dominent semble bien fade. Un passionnant page turner cousu de ficelles scénaristiques surprenantes, ce polar outre quiévrain vous fera frissonner autant que vous interroger pour cette attraction au gore à vous faire trouver de l'intérêt en réaction à la "sorcière bien aimée".