Quand Ken Follett fait du Ken Follett, on aime - le plus souvent - ou on n'aime pas - souvent à cause du nombre de pages - ... mais on oublie parfois que la grande ambition de cet auteur et de ses équipes de chercheurs et de vérificateurs historiens est de nous raconter des petites histoires crédibles et, ce faisant, de nous plonger dans la compréhension de la grande Histoire, la vraie !
Mais quelle est la véritable histoire de ce début de siècle qui connaîtra une première guerre mondiale et, comme s'il était en manque, s'en offrira une seconde quelques deux décennies après ? Nul ne le sait vraiment. Les historiens ont beaucoup planché, recueilli et analysé des tas de témoignages, étudié des sommes invraisemblables de documents, recoupés leurs interprétations et, avec plus ou moins de succès, plus ou moins de pertinence ont émis des hypothèses et surtout rédigés des thèses offertes au monde comme étant l'Histoire. Avec un H majuscule qui, tel un label, assurerait à leurs paroles un statut de vérité absolue.
Ken Follett, lui, n'a pas d'autres prétentions que de nous raconter des histoires, celles de personnes qu'ils fait naître au sein de diverses communautés, dans des pays différents, avec des intérêts qui ne convergent pas nécessairement. Ses personnages, ils les trempent dans des vécus richement documentés, il les passe au bain des luttes de classes, des conflits sociaux qui reflètent bien l'époque et les différents mondes qui la traversent. Même s'ils sont fictifs, on le sent, on le comprend, tous participent à l'incohérence d'un monde qui va faire alliances pour mieux s'entredéchirer. Ce sera la première grande guerre mondiale que l'on connait souvent (ou croit en connaître le tout) en affirmant qu'elle fut celle des tranchées. De là à laisser supposer qu'elle fut une guerre de positions, d'immobilisme et de statu quo, il y a une marche d'erreur que Ken Follett évite avec maîtrise en nous présentant cette Chute des géants", saga historique pour celui qui ne voudra y voir que cet aspect. Roman d'amour et de haine pour qui s'attachera à décrypter ce qui poussent les uns et les autres à s'aimer malgré tout ou à se détester et tenter de se détruite dans des combats de classes sociales dignes de Zola. Certains y verront peut-être les prémices d'une aspiration à vivre l'union, à créer un monde de solidarité plutôt que d'opposition, un monde où respirer ensemble est possible et où, peut-être, L’ Histoire pourrait se comprendre et faire surgir une grande soif de fraternité et besoin de vivre en paix.
Ken Follett rend son récit d'autant plus crédible qu'il y insère des personnages réels pour lesquels il s'est assuré qu'ils auraient très bien pu vivre les situations qu'il leur attribue dans son roman. du grand art que cette articulation entre le réel et le possible, le tout permettant au lecteur de vivre au coeur de l'histoire auquel il donnera – ou non – le H majuscule que d'aucun veulent reconnaître à ce tom 1 du récit du siècle entrepris par Ken Follett.
Le lecteur ne doit pas craindre le nombre de pages – impressionnant, il est vrai – de ce roman. La chute des géants se laisse lire sans difficulté tant le lecteur se sent proche des personnages en jeux. Tout proche pour avoir envie d'embrasser leur cause ou tout proche pour en comprendre la perversion et avoir envie de leur casser la figure. On y revient, le propre de Ken Follett est probablement son aptitude à susciter l'amour ou le dégoût des personnages qu'il nous donne de tutoyer !