Le XXe siècle commence en 1914
Le projet de Ken Follett est assez classique : raconter des événements historiques en racontant la vie de personnages qui les ont vécus. De Judas Ben Hur témoin du ministère du Christ jusqu'à Scarlett O'Hara et la Guerre de Sécession (qui a cessé, c'est sûr), le procédé n'est pas récent. Ce qui surprend ici, c’est son ampleur : il ne s'agit plus d'un seul événement historique, mais de traverser un siècle complet. Cela Nécessite deux qualités essentielles : savoir attacher le lecteur à ces personnages, et avoir un certain don pour la narration.
La liste des personnages, en début de roman, nous donne déjà de sérieux indices sur qui va être raconté. Nous avons donc cinq familles : deux Britanniques (Follett étant britannique lui-même (personne n'est parfait), il a privilégié son pays, c'est de bonne guerre), une Allemande, une Russe et une Américaine. On voit se dessiner les contours du roman avant de l'avoir entamé.
De fait, ce premier volume est centré, dans son immense majorité, sur la première guerre mondiale. La préparation du conflit, le conflit lui-même et ses conséquences. 1000 pages.
Et une lecture qui se fait à une vitesse folle. Côté narration, aucun problème, Follett a su retenir les leçons des grands auteurs de romans historiques. Des chapitres relativement courts, on change souvent de personnages, on mêle histoire privée et Histoire mondiale, sentiments amoureux et peur des tranchées, et on avance comme ça.
Là où le roman m'a agréablement surpris, c'est que Follett ne se limite pas exclusivement aux événements militaires. L'aspect politique et social est très présent. Lutte des classes entre les mineurs gallois et l'aristocratie, injustices sociales dans la Russie tsariste, combat pour l'égalité des sexes, la politique est très présente. Là aussi, on pourrait reprocher à Follett de se concentrer plus souvent sur la Grande Bretagne, mais cela me paraît une fois de plus logique, puisqu'il est britannique.
Bien entendu, on croise aussi des personnages historiques, de LLoyd George au kaiser, de Clémenceau à Churchill ; à ce titre, Follett a mis une petite note, en fin de volume, sur l'emploi qu'il fait de ces personnages réels, et comment il mêle réalité et fiction, ce qui est un thème essentiel depuis l’avènement du roman.
Les personnages fictifs, quant à eux, sont assez fouillés. Follett ne parvient pas toujours à éviter le manichéisme : le comte anglais apparaît de plus en plus comme un salaud. Mais on suit quand même ces personnages avec beaucoup d'intérêt.
On sent, au fil des pages, que Follett s'est renseigné sur les sujets dont il parle. Il essaie même parfois d'en faire trop, dans les détails. Un peu comme l'élève qui a bien appris ses leçons veut montrer au sérieux au professeur en truffant sa copie de références qui n'ont pas un grand intérêt pour répondre aux questions posées. De même, notre Follett donne parfois des détails qui n'ont aucun intérêt avec le récit mais qui montrent qu'il s'est bien renseigné.
Ce que j'apprécie, généralement, dans les romans historiques, c'est que les romanciers, n 'étant pas tenus de justifier leur point de vue, peuvent donner des explications personnelles aux événements historiques.
Alors, il y a bien quelques facilités dans le déroulement du roman, on a un chapitre d'introduction, en 1911, dont je n'ai pas compris l'intérêt, mais c'est passionnant, divertissant, sombre et loin d'être bête. A suivre donc...