Bien que son pic de popularité soit passé, The Expanse restera une saga majeure de science-fiction des années 2010, et espérons au-delà. Elle s’entame sur la voie « intermédiaire » de l’exploration spatiale telle que typiquement imaginée, où l’humanité s’étend dans un système solaire bien plus accessible que même la plus proche étoile après le Soleil. Comme beaucoup, j’ai découvert cette histoire grâce à l’excellente série télévisée, qui malheureusement n’aura adapté que les deux premiers tiers du récit après une première annulation. Il est vrai qu’il aurait été ardu, à moins de remplacer ou de vieillir numériquement les actrices et acteurs, de reprendre trente ans plus tard. Et maintenant que j’ai achevé cette saga en formant roman… beaucoup de pensées se bousculent.


Évaluer ce tome final me sera compliqué qu’initialement prévu. Durant la majorité de ma lecture, j’avais l’impression de voir se dérouler des préparatifs, et qu’il manquait un souffle épique et grandiose pour conclure une saga de space-opéra comme celle-ci à sa juste valeur. C’était avant les cent dernières pages, qui m’ont tenu en haleine et auront même réussi à me surprendre.


Mais d’abord, je me suis interrogé sur la raison de ma semi-déception. Je l’attribue à une forme de contraste devenue très apparent à force de progresser. Jamais l’univers n’a paru si vaste, avec la présence de 1300 systèmes colonisés sur plusieurs milliers d’années-lumière (ou parsecs comme je préfère dire), pourtant jamais le récit ne m’a semblé si vide. Ce résultat était presque contraint par la narration :

Chrisjen Avasarala n’est plus là, Bobbie Draper non plus, Carmina Drummer n’apparaît pas sans que je comprenne pourquoi, et leur absence se fait cruellement ressentir. De même, l’antagoniste principal est juste mentionné pour la majeure partie du tome, un choix encore une fois justifié par la narration

Il ne reste donc plus que le bon vieux Rossinante et son équipage, l’infatigable Elvi, et le nouveau personnage rejoignant ce dernier tome : la colonelle Aliana Tanaka, équilibrant avec le point de vue laconien. D’abord construite comme l’opposée de Bobbie Draper, représentant les côtés les plus toxiques de la culture martienne, elle devient un personnage très intéressant à suivre, car derrière sa dure façade se cache une personne vulnérable. Son histoire est donc captivante puisqu’elle se centre sur une introspection. Une petite déception cependant :

Il y a des personnages dont on connaît le destin dès leur introduction, et malheureusement Tanaka ne fait pas exception à la règle. Elle avait le profil pour mourir et c’est exactement ce qu’il s’est produit. Qu’elle porte le coup final à Winston Duarte est poétique puisque, comme mis en exergue par le récit lui-même, elle lui a été extrêmement loyale pendant quarante ans, mais tout de même.

Revenons maintenant à ces cent dernières pages. L’histoire a pris la direction que j’espérais tout en étant jalonnée de surprises. C’est rythmé, tragique, épique, si bien que plus de pages consacrées à cette confrontation finale l’aurait vraiment mise en valeur. The Expanse marque ainsi son empreinte dans le genre de la science-fiction, particulièrement du space-opéra, en proposant des enjeux de taille, et en « complétant la boucle » :

Le récit fait lui-même le parallèle entre l’affrontement contre Winston Duarte et l’épisode d’Eros, avec le retour bienvenu de « Miller », et l’imagerie associée était aisée à se figurer. L’antagoniste final en devient une menace moins matérielle et conclut le cycle de la protomolécule, un climax logique avec le déroulé du récit. Même le sacrifice de Holden, lui aussi assez prévisible, s’imbrique à merveille dans cet ensemble

Et il y a beaucoup à dire sur la fin… alors qu’ironiquement je pense qu’elle aurait gagné à être plus développée. Peut-être est-ce la partie de moi si fan de worldbuilding fictionnel, toujours satisfait quand la « caméra » s’attarde une dernière fois sur chaque protagoniste avant de s’éteindre à tout jamais, alors que j’ai accepté la conclusion pourtant si controversée de la saga Mass Effect. Toujours est-il que mes réflexions sont multiples, et j’ignore même si je l’ai appréciée ou détestée.

Car la fin peut être considérée comme un « twist ironique » sur le titre même de la saga. Avec la destruction des anneaux, chaque habitant se retrouve isolé dans son système de résidence, et on en reviendrait presque au stade initial de la saga, sinon que l’humanité est désormais dispersée dans la Voie Lactée proche. Ce n’est pas tant un immobilisme qu’un ralentissement extrême, comme souligné par l’épilogue où Amos est définitivement transformé car il a vécu plus de mille ans, accueillant un visiteur d’un système lointain.

En tant que grand rêveur d’exploration spatiale, que penser de cette fin ? Y’a-t-il une leçon à en tirer ? Que chercher à s’étendre encore et encore est une vaine quête ? Ou bien que, quitte à peupler de grands espaces, il vaut mieux être déconnecté des autres sinon une menace cosmique risque de tout annihiler bien plus facilement ? Cet épilogue, selon la manière dont on l’interprète, va presque à contre-courant d’autres sagas de space-opéra chères à mon cœur, comme Mass Effect. Elle n’est pourtant pas décrite comme négative et positive, juste comme une sorte de bouleversement auquel il faut s’adapter. Il y aura toujours une frontière… Les distances entre galaxies sont bien plus grandes que la taille de la Voie Lactée. L’univers continue de s’étendre et d’éloigner les galaxies les unes des autres. Est-ce là le message ultime ? Nous ne pouvons pas nous installer partout ?

Saidor
7
Écrit par

Créée

le 27 août 2024

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Saidor

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