Une fin mitigée pour "Les guerriers du silence". D'un côté, on a l'impression que Pierre Boradage s'enlise. Il multiplie les péripéties, et certaines scènes s'étirent jusqu’à l'ennui (l'évasion du palais épiscopal, interminable). A l'inverse, deux personnages principaux sont introduits dans ce dernier tome, de manière très expéditive. Les interventions providentielles se multiplient pour tirer les héros de leurs nombreux mauvais pas, le deus ex machina devient le procédé majeur de ce tome. Enfin, certains revirements de personnages me paraissent peu crédibles (les deux muffis Barrofil, ou comment passer de pédophile-assassin d'enfants-trafiquant d'organes ou fanatique-génocidaire à sauveur de l'humanité). Tout ceci donne un sentiment de "mal maitrisé", comme si Bordage lui-même ne savait pas vraiment où emmener ses personnages ou comment clore son récit au moment où il écrivait.
Dommage, car le dernier chapitre est franchement réussi. La découverte et l'acceptation par chacun de ses propres failles et de celles de ses compagnons est poignante, et c'est sans doute un des plus beaux moments d'écriture de toute la série. Les thématiques abordées sont toujours aussi intéressantes. Le concept d’humain source, la lutte contre l’incréé, le besoin de prendre conscience de sa propre richesse intérieure… De quoi cogiter dans le bon sens. Et puis la richesse de l’univers ne faiblit pas, et s’enrichit même de descriptions de deux nouvelles planètes (Platonia et N-le Mars) qui prouvent encore à quel point Bordage excelle dans la création et la description de mondes riches, complexes et cohérents.
Ni chef d’œuvre, ni ratage complet, ce troisième opus souffre d’un « trop plein », et la série aurait certainement gagné à être plus condensée. Il n’empêche que l’ensemble du tryptique vaut la peine d’être lu, et que si on se retrouve parfois à lever un peu les yeux au ciel dans ce troisième volume, on passe quand même un bon moment.