La Cité nymphale par Nébal
Où l'on conclut une trilogie, après le très bon Chromozone et le moins bon mais tout à fait correct Les Noctivores. Retour donc dans le monde post-post-apocalyptique de Stéphane Beauverger (j'aime bien doubler les « post- », ça sonne plus funky... et ici, ça me semble approprié). La Cité nymphale, en bonne conclusion, rassemble les fils et personnages des deux volumes précédents pour un final qu'on imagine haut en couleur. Sauf que... mais on y reviendra.
C'est tout d'abord Cendre, le garçon génétiquement modifié, que nous retrouvons. Celui-ci a trouvé refuge dans la Parispapauté, alternative à la communauté synthétique des noctivores omniprésents. Là, il est devenu le Sauveur, celui qui conduit les anciens noctivores à la rédemption. Mais, en éliminant le virus Chromozone qui les infecte, il tue l'hôte par la même occasion... une solution pour le moins radicale.
Alors que la routine commence à s'installer dans la Parispapauté, celle-ci reçoit la visite d'un importun : le Roméo, traître jusqu'à la moelle, vient réclamer l'asile, et argue d'un danger menaçant la communauté parisienne. Le pape Michel charge alors Lucie, garde du corps et compagne de plus en plus réticente de Cendre, d'aller chercher de l'aide en Bretagne, auprès des farouches Keltiks.
Et pendant ce temps, un homme – vite identifié, mais bon, chut, chut, au cas où... – attend sur une plage... tandis qu'un mystérieux tueur accumule les sauts de conscience et déplacements en x, en y et en z vers sa cible.
On retrouve dans La Cité nymphale une bonne part de ce qui faisait la réussite des précédents volumes. Les personnages sont complexes et attachants, la trame bien ficelée, le style très fluide (plus que dans les tomes précédents, d'ailleurs) et en même temps assez savoureux... et pourtant, La Cité nymphale m'a un peu déçu. Bizarre, bizarre... Mais le problème vient peut-être de ce que l'élément de surprise et la singularité de Chromozone se sont épuisés en chemin. Les Noctivores ressemblait déjà davantage à un roman post-apocalyptique des plus classiques, malgré quelques bonnes idées ici ou là. Avec La Cité nymphale, ce constat se vérifie hélas une fois de plus...
Entendons-nous bien : La Cité nymphale n'est pas un mauvais roman. Il se lit très bien, et on ne saurait véritablement lister de fâcheux défauts. Tout au plus pourrait-on considérer certains rebondissements un peu gratuits et finalement médiocres, encore que la relative « banalité » de certains dénouements ne soit pas inintéressante en tant que telle ; on notera d'ailleurs qu'en fait de final « haut en couleur », on ne trouve pas forcément grand chose ici de pyrotechnique, mais plutôt, à mes yeux en tout cas, une certaine mélancolie généralisée lorgnant vers le dépit et l'à-quoi-bonisme, ce qui peut surprendre, mais est finalement plutôt bien vu. Ah si, on pourrait peut-être trouver qu'en certaines occasions, quelques coupes auraient pu être utiles... ou, à la limite, rechigner devant certaines expérimentations stylistiques – les brefs chapitres consacrés au tueur. Mais c'est à peu près tout, et il n'y a là rien de rédhibitoire.
Le seul véritable problème de La Cité nymphale, à mes yeux, c'est finalement son caractère anodin. En concluant la « trilogie Chromozone », il n'apporte pas grand chose aux deux volumes précédents, et, en voulant rassembler tous les fils du cycle, il se montre parfois un peu brouillon, voire légèrement agaçant, et en tout cas pas à la hauteur des attentes du lecteur.
Mais c'est sans doute que ces attentes sont élevées : la trilogie dans son ensemble reste une lecture tout à fait enthousiasmante, et, depuis, Stéphane Beauverger a confirmé tous les espoirs que l'on pouvait placer en lui avec le très bon Le Déchronologue. Assurément, la « trilogie Chromozone » faisait déjà de lui un auteur à suivre.
Mais La Cité nymphale tient un peu du « passage obligé », sympathique mais sans brio, honnête mais un peu terne – en dehors de deux, trois scènes assez brillantes, mais qui ne font que ressortir davantage ce manque d'éclat global. Pas mauvais, non ; mais pas génial non plus. Un roman un tantinet médiocre, en somme, au sens strict. Rien de honteux, et l'on en conseillera malgré tout la lecture à ceux qui ont lu et aimé les deux précédents volumes : il serait dommage de s'arrêter en chemin... Mais on reconnaîtra en même temps que l'auteur est capable de faire bien mieux. Ce qu'il a brillamment démontré depuis. Ouf.