The Kitchen House

1791. Lavinia, orpheline Irlandaise, est arrivée enfant au domaine du Capitaine en Virginie. Il l'a achetée et elle rejoint le quartier des domestiques. Tous noirs, ils l'accueillent et lui apprennent à s'occuper de la maison. Mais les événements ne cesseront de faire naviguer Lavinia entre sa place de domestique blanche au sein des noirs et de petite protégée des maîtres blancs.

L'histoire est très prenante car les drames s'enchaînent dans cette demeure.
... Mais tout est raconté à demi-mots, nous laissant libre d'interpréter les scènes comme on l'entend. L'autrice développe peu les sentiments de ses personnages vis-à-vis des situations, enchaînant les ellipses narratives et c'est très frustrant. La narration n'est malheureusement pas à la hauteur des drames qui ont lieu.

Le grand nombre de personnages et leurs liens sont difficiles à appréhender au départ. Je n'ai pas réussi à m'attacher à eux. J'ai bien senti l'entraide entre eux, les liens forts qui se sont créés et la petite famille qu'ils se constituent au fil des années, pourtant le sort tragique de plusieurs d'entre eux ne m'a pas émue plus que ça. Peut-être parce que justement dès le début, l'autrice n'hésite pas à en sacrifier plusieurs, puis tout au long de l'histoire, rendant la mort d'autres moins surprenante. La narration, rarement dans la description d'émotions et de sentiments, m'a empêchée de m'attacher à eux, ils manquent d'envergure, de présence humaine et se cantonnent à leur rôle de personnages de papier.

Par ailleurs, si l'évolution de Lavinia est intéressante ; elle s'affirme au fil des années, j'ai tout de même trouvé que celle de Marshall était complètement foirée. Adolescent traumatisé, il trouve refuge auprès du contremaître raciste qui l'incite à vider bouteille sur bouteille et à explorer la part sombre de sa personnalité. Eloigné en ville par son père pour ses études, Marshall se reprend en main et devient un jeune homme travailleur, attendrissant et protecteur à l'égard de Lavinia, jusqu'à son retour au domaine et à la plantation, où son comportement ténébreux et menaçant refait surface. Ce changement sert l'histoire et son issue, mais n'est pas très pertinent concernant la construction de ce personnage.

L'enfant née de l'union

ne sert d'ailleurs pas à grand chose : elle est un peu comme un pion qu'on utilise quand c'est nécessaire pour créer du drame. Lavinia semble très peu se soucier de son enfant, alors qu'elle a développé une réelle affection pour les enfants noirs ou métisses de ses amies domestiques.

Le dénouement oblige les personnages à faire des allers-retours entre le domaine et un autre endroit, rendant l'action longue et un peu inutile (de mon point de vue).

La fin est malheureusement expédiée. J'aurais préféré un vrai chapitre sous forme d'épilogue, histoire de marquer une coupure avec le reste du texte, qui est très dramatique et sombre. Le dernier chapitre restant dans le même ton, je n'ai pas su percevoir l'espoir des protagonistes devant la nouvelle situation/vie qui les attend.

La situation des domestiques noirs, mais aussi l'évolution de Lavinia dans la société, permettent de nous rendre compte de l'emprise des hommes blancs, empêchant toute émancipation, que ce soit celle des noirs comme des femmes.
L'autrice met aussi en lumière un paradoxe plein d'hypocrisie : l'homme raciste qui va pourtant engrosser ses domestiques noires (question d'érotisme ? d'exotisme ?), et qui ne peut s'empêcher de traiter de "Nègre" sa descendance.

Ma bonne note est attribuée surtout pour :
- Le sujet, qui est bien documenté et original.
- L'ambiance de l'époque bien retranscrite.
- Le suspense qui fait de ce livre un page turner (en comparaison avec mes précédentes lectures j'ai vraiment aimé passer du temps sur ce livre)
- Et sur la réflexion engendrée par cette lecture : qu'est-ce qui constitue une famille ? peut-on former une famille malgré des appartenances ethniques différentes ?