Des nouvelles : personne ou presque n'aime en lire. Du western : personne ou presque n'aime en lire. Et des nouvelles western ? Voilà une association dont on imagine aisément qu'elle ne doit pas faire recette. "La colline des potences" est pourtant une lecture tout à fait recommandable, et ce recueil de dix nouvelles (ou neuf nouvelles et une novella, pour être tout à fait précis) pourrait être apprécié même par ceux que le western n'attire pas. Certes, toutes ces histoires ont pour cadre l'époque de la conquête de l'Ouest, mais l'auteur ne cherche pas forcément à coller aux stéréotypes du genre. Le western selon Dorothy Johnson n'est pas qu'une affaire de cow-boys et d'Indiens, elle prend soin de donner également la parole à ceux qui restent d'ordinaire en arrière-plan : femmes, vieillards, enfants.
Cela est peut-être lié à l'époque de rédaction de ces nouvelles (les années 40-50, quand disparaissait la dernière génération d'Américains à avoir vécu la conquête de l'Ouest), mais on y retrouve souvent un même motif : celui d'une personne qui se souvient d'événements passés survenus dans ces régions autrefois sauvages et désormais apprivoisées. Par exemple, dans "L'homme qui connaissait le Buckskin Kid", un vieillard est interrogé par un journaliste au sujet d'une attaque de train menée un demi-siècle plus tôt par un célèbre bandit ; dans "L'histoire de Charley", un veuf raconte quelle fut la vie aventureuse de son épouse avant leur second mariage. Mais il ne s'agit pas toujours d'une personne âgée se remémorant ses vertes années. Ainsi, dans "Un présent sur la piste", le personnage principal est un jeune homme qui revient en des lieux où il estime s'être mal comporté durant son adolescence, en espérant faire amende honorable. Quant au narrateur de "Une sœur disparue" (anecdote sans doute calquée sur le personnage réel de Cynthia Ann Parker, cette femme capturée par des Comanches et qui ne put se réaccoutumer à la vie "civilisée" après sa libération), il s'agit d'un petit garçon de neuf ans au moment des faits relatés.
Chose rare pour un recueil de nouvelles, j'ai aimé chacune d'entre elles, aucune ne m'a déplu ni même laissé indifférent. Plusieurs fois je me suis dit, après ma lecture "celle-là, j'aurais voulu l'écrire !" C'est notamment le cas pour le superbe "Une époque de grandeur" : le récit tout simple d'un gamin qui passe un été à s'occuper d'un vieil aveugle, ancien pionnier et héros devenu légendaire, et qui à son contact voit un nouveau monde s'ouvrir à lui. Finalement, je crois que le texte m'ayant le moins convaincu est celui qui donne son titre au recueil, et qui est aussi le plus long. "La colline des potences" est intéressant, il nous donne une bonne idée de ce qu'était la vie des prospecteurs et des mineurs au temps de la ruée vers l'or, mais j'ai trouvé que le style de l'auteur, tout en concision et en précision, était parfait pour des nouvelles d'environ vingt pages et moins adapté à une histoire s'étendant sur une centaine de pages.
Après avoir fait cette belle découverte, je ne manquerai pas de me procurer "Contrée indienne", autre recueil de nouvelles de Dorothy Johnson, lui aussi publié aux éditions Gallmeister – un éditeur que je ne connaissais pas du tout il y a encore quelques mois et qui, mine de rien, commence à se faire une jolie petite place dans ma bibliothèque...