Pour être honnête, j'ai débuté ce roman avec des attentes assez stratosphériques. La trilogie originale, A la croisée des mondes, est une partie de moi, une pierre angulaire de mon identité : le premier livre que j'ai lu, adoré, et qui a créé chez moi une passion dévorante pour le storytelling sous toutes ses formes. Autant dire que j'attendais ce nouveau volume comme le messie. Le précédent, prequel de la trilogie, ne m'avait qu'assez peu marqué : mais la suite de His Dark Materials, avec en protagoniste une Lyra adulte qui plus est ? Mon âme se réjouit et les poules ont des dents.
Le résultat était cependant loin à la hauteur de mes espérances (et de mes envies ?). Pourtant, La Communauté des Esprits amène quelques idées assez neuves et intéressantes sur la table, non rééditées de la première trilogie. On suit une Lyra profondément mélancolique, dans un univers sombre, en quête d'elle-même. Son parcours est une allégorie de la perte de l'imagination face à un rationalisme excessif : les auteurs de philosophie qu'elle lit et sa relation conflictuelle avec Pantalaimon servent de base à cette thématique fil rouge. C'est probablement la meilleure idée du récit - elle aurait sans doute pu être plus exploitée, là où le scénario s'éparpille parfois un peu trop sur des éléments moins bien pensés ou simplement trop faciles. Qui plus est, on pourrait regretter le vif imaginaire de la trilogie originale qui n’est plus présent. Il faut cependant admettre que la froideur du monde que décrit Pullman, perçue par le lecteur ou par Lyra, s'inscrit complètement dans l’ordre d’idées susmentionné. On fait face à un univers lourd, cloîtré, qui essaye de respirer à travers des bribes d'imagination : le retour aux daemons si chers et pourtant décriés par les philosophes, ou encore la mise en lumière de la justement nommée Communauté des Esprits. Une dualité qui s’inscrit dans les 700 pages du livre.
Là où le récit fait un peu moins fort, c'est dans ses intrigues et personnages secondaires. Ces derniers sont nombreux, trop nombreux : politiciens , universitaires, écrivains, agents... Tous de passage, ne laissant que peu de traces. Les intrigues politiques et parallèles avec des problématiques de société actuelles donnent lieu à un roman aussi complexe qu’embourbé, à la ligne directrice peu visible, perdu dans les râteliers auxquels il essaye de goûter. Toute cette mise en place servira peut-être de fondation au troisième volume, cela dit. En l’état, elle donne lieu à un roman qui se veut méticuleusement conçu mais assez peu vibrant.
J’en sors assez mitigé, au final. J’ai eu l’impression de lire un auteur qui a encore des choses à dire, et qui souhaite revisiter son univers, sans pour autant proposer une forme narrative suffisamment prenante pour appuyer ses idées. La faute à un récit trop linéaire, peut-être. Ou à un manque d’imagination, ce qui serait fort méta.
En attendant, allez visionner la série BBC !