J'ai souvent plaisir à lire les classiques - j'entends, les monuments de la littérature, connus et reconnus comme tels. Le style y est parfois touffu, le propos difficile, déroutant ; mais cela en vaut le plus souvent la peine. Car d'un plus grand effort, vient souvent un plus grand plaisir à lire, découvrir, contempler et comprendre.
Avec La condition humaine de Malraux, j'ai trouvé que l'effort était bien pénible et que le jeu n'en valait pas la chandelle.
Pourquoi ? Le style amphigourique et ample y joue pour beaucoup. Les descriptions sont très longues : et pourtant, à de nombreuses reprises, l'on est contraint de s'y reprendre à deux fois pour comprendre ce dont l'auteur nous parle. Pourquoi ? Car Malraux procède souvent par allusion, ironie et métaphore pour nous expliquer une situation simple : moralité, on n'y pige que dalle.
Citons la force et le noeud du roman : la situation politique, qui fait toute la sève de l'histoire, et qui anime ses protagonistes. Les communistes chinois, alliés au Kuo Min Tang, prennent la ville de Shanghai, centre économique de la Chine. Mais après cette victoire, le Kuo min tang décide d'exterminer son encombrant allié communiste, qui l'aide à réaliser sa révolution. La manœuvre consiste d'abord à contraindre les communistes à rendre les armes, avant de les arrêter et les éliminer. Les cadres du Parti communiste chinois sont totalement conscient de leur élimination qui se prépare presque au grand jour ; mais le grand frère soviétique a ordonné d'obéir au Kuo Min Tang, et pris entre ces allégeances contradictoires, les communistes chinois courent droit à leur perte.
Voilà. Les personnages sont pour la plupart des communistes en pleine lutte pour la victoire du Parti, puis pour sa simple survie. Impitoyables, droits comme la justice, ils sont un peu ennuyeux. L'homme d'affaires et politicien français qui dirige le consortium français à Shanghai est plus intéressant. Ajoutons à cela un personnage aberrant, plus fatigant qu'autre chose : Clappique, faux aristocrate extravagant, sans conviction, qui aide les communistes puis se carapate.
Le cadre franchement méconnu pour le lecteur occidental contemporain a de quoi attiser la curiosité, mais quelle nécessité d'alourdir le style par des digressions philosophiques plus ou moins heureuses à tout bout de champ ? Demeure un paradoxe : qu'ai je retenu de toutes ces idées, sur "La Condition Humaine" dont il est prétendument question ? Absolument rien. Je ne saurai pas dire en quoi l'auteur "traite la question" de cette humaine condition.
À l'inverse, l'auteur est avare en précisions géographiques, urbaines ou historiques : le lecteur est présumé intellectuel et avide lecteur des journaux de 1927.
Une scène m'a spécialement irrité : il s'agit d'une bataille durant laquelle les nationalistes prennent d'assaut un commissariat occupé par les communistes. Cette scène est proprement incompréhensible : j'ai même peine à dire pourquoi... Le lecteur ne rencontre jamais la main secourable de l'auteur qui lui dirait combien d'étages a le bâtiment, combien de personnes le défendent, etc.
En somme, ce roman est lourd. Pesant. Il fait toutefois entrer dans une époque. Si je conseillais la lecture d'un roman de Malraux, ce serait plutôt les Noyers de l'Altenburg. Il y digresse moins et m'a davantage touché avec son sujet plus européen.