Classique de la littérature français exigent mais multiple
Publiée il y a quatre vingt ans, la Condition humaine est une oeuvre qui acquiert encore une résonnance particulière aujourd'hui. Même si André Malraux décrit une société chinoise où l'idéologie communiste sera supplantée par le pouvoir capitaliste ( le contexte colonial y étant pour beaucoup), la lutte des classes fait déjà rage. Là où les ouvriers chinois commencent à se syndicaliser,tout en devant prendre les armes pour revendiquer leurs positions sociales devant un pouvoir qui les oppresse socialement et les exploite économiquement,des hommes d'affaires assoient leurs positions économiques pour régner avec le dirigeant en place.Tout cela a peu changé si ce n'est que les hommes "d'en bas"actuels ne veulent plus mourir au nom d'idées, qu'ils revendiquent pourtant encore avec vigueur.
Avec les personnages de Kyo, Gisors, Tchen et Himmelrich, l'auteur englobe toutes les façons de vivre le militantisme social. Du nihilisme à la mort, chacun d'entre embrasse un idéal humain et politique qu'il suivra jusqu'au bout. Avec les personnages de Ferral, de König ou autres ministres, la raison de l'argent et des influences est au coeur de leurs perspectives mentales et quotidiennes. Avec ce lot d'intérêts divergents, leurs déplacements ne feront que les opposer directement ou indirectement tout au long de l'histoire.
Le seul tempo qui unit subtilement tous ces personnages, c'est que leurs actes aient une cohérence avec leurs convictions.Ce n'est plus une question de milieu social, cela devient cette condition humaine à porter et à légitimer. Lors d'une conversation avec Ferral, le professeur Gisors lui glisse en substance que la condition humaine, c'est que chaque homme voudrait vivre comme Dieu.Et l'homme d'affaires du Consortium chinois est secoué puisque le vieil intellectuel vient de lui démontrer que la condition sociale est une illusion par rapport à la grandeur que l'Homme (peu importe son niveau) recherche.
Ce qui m'a interpellé dans le roman d'André Malraux, c'est la diversité des directions qu'il a prises. Contexte historique, dimensions philosophiques, mouvements fictionnels propres aux identités de ses personnages coexistent.Ce qui m'a déplu, c'est la place faite aux personnages féminins ( May, la doctoresse allemande manque cruellement de profondeur par exemple) et prouve que la Condition humaine est une oeuvre masculine. Quelque part, cet état de faits reflète la position des femmes dans le monde dans les années 30. Pour finir, même si la lecture de cet ouvrage est exigente, le lecteur peut en retirer une analyse toute personnelle. En cela la condition humaine touche à un but: celui de ne pas se donner totalement pour que le plus grand nombre puisse en saisir un ou plusieurs aspects.