Pour commencer, je vais tenter d'écrire cette critique en ne dévoilant strictement rien de l'histoire. Parce qu'à ce niveau, en dire, même un tout petit peu, serait déjà trop.
Ma critique va se diviser en deux : d'abord je m'adresse à ceux qui ne connaissent pas encore Chattam, puis à ceux qui sont déjà habitués à son style.

I- pour ceux qui ne connaissent pas Chattam
C'est du polar.
Du polar sombre, glauque, violent.
Du polar mâtiné d'horreur.
Avec des scènes vraiment horribles.
Dès la deuxième page, nous sommes en pleine action. Et le rythme ne ralentira pas une seconde. Au contraire, ça s'accélérera encore dans la seconde moitié du roman.
Alors, certes, il y a des défauts. Chattam, trop occupé à dresser le portrait de ses tueurs, n'a pas le temps d'approfondir la psychologie de ses personnages principaux. Ses enquêteurs sont des ombres sans profondeur, plus ou moins stéréotypés.
Certes, l'écriture n'est pas toujours de grande qualité.
Ce que cherche Chattam, c'est l'efficacité.
Et il l'obtient.
La Conjuration Primitive fait partie de ces romans qui ne se lâchent pas avant d'avoir lu la dernière page. Le genre de livre qui vous fait passer des nuits blanches.
A découvrir si vous n'êtes pas froussards.

II- pour les habitués de Chattam
Avec La Conjuration Primitive, Chattam renoue avec les enquêtes concernant les tueurs en série. Le roman s'inscrit dans la droite ligne de la trilogie Joshua Brolin (rebaptisée récemment Trilogie du Mal, sûrement pour éviter une confusion entre le nom du personnage et l'acteur, mais je préfère le nom d'origine; pour ceux qui l'auraient oublié, il s'agit ici de L'âme du Mal, In Tenebris et Maléfices).
La complexité de l'enquête permet de maintenir un suspense jusqu'à la fin. Et Chattam, pour éviter la routine, nous entraîne dans un long voyage, depuis la banlieue parisienne jusqu'au Canada en passant par la Pologne et l'Ecosse.
D'ailleurs, le choix des lieux où se déroule l'action est très significatif : des banlieues en voie de décomposition, une mine de sel avec une église souterraine, un bled paumé...
Des changements de décors et une horreur qui va croissante. La scène en Pologne est à la limite de l'insupportable.
Et Chattam reprend sa thématique habituelle, celle qui est si bien inscrite au coeur de son oeuvre et qui est exposée en détail dans La Théorie Gaïa (un de mes préférés) : l'être humain est un animal, un prédateur ; il a été un prédateur pendant des millénaires (pendant 99% de son évolution, prétend Chattam), ce ne sont pas quelques petits siècles de civilisation qui ont pu faire disparaître nos instincts animaux.
Ainsi donc, chaque humain est un animal. Certains parviennent mieux que d'autres à dominer leurs pulsions, mais elles ressortent inévitablement chez tout le monde.
C'est, bien entendu, de cela qu'il s'agit, ici, à nouveau. De ce double mouvement qui consiste à vouloir empêcher un criminel d'agir tout en adoptant son système de pensée. Devenir un criminel en puissance, libérer son prédateur pour combattre un prédateur.
Chattam maîtrise son rythme à la perfection. Pas une seconde de temps libre. Tout s'enchaîne en un crescendo impressionnant. Et malgré les défauts, on retrouve ici tout ce qui fait un grand roman de Chattam.

III- Pour ceux qui ont lu le roman (donc cette partie est remplie de spoils)
D'abord, ça m'a fait foutrement plaisir de retrouver Joshua Brolin, même pour un court instant.
Ensuite, je trouve que ce roman marque une évolution dans la théorie chattamienne du prédateur : dans la trilogie du Mal, les prédateurs sont des cas isolés ; dans La Théorie Gaïa, il sont une évolution de l'humanité, comme une vengeance de la nature face aux horreurs humaines. Ici, ils sont organisés en communauté, ils se regroupent, et s'annonce la possibilité d'un conflit à grande échelle entre prédateurs et humains "normaux". Les dernières pages sont terrifiantes.
Vivement la suite...

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le 11 nov. 2014

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SanFelice

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