Le coup d’état du 2 décembre 1851 a parfaitement réussi. Les Rougon ont été pleinement récompensés pour le rôle actif qu’ils ont joué dans la répression de la révolte républicaine qui avait embrasé la Provence quelques années plus tôt. Le couple est désormais aisé et donne de fréquentes soirées dans leur nouveau salon où le tout-Plassans est convié. Pierre jouit de sa fortune en homme tranquille tandis qu’à son habitude Félicité contrôle, régit, organise, veille, intrigue. Car tout ne va pas pour le mieux. L’Empire a en effet subi un revers d’importance lors des dernières législatives : la députation a été emportée par les légitimistes. Si la sous-préfecture et la mairie restent acquises aux bonapartistes, le président du tribunal est également dans l’opposition. La tension est palpable : chaque camp est décidé à conquérir la ville.

C’est dans ce climat que s’ouvre ce quatrième tome, suite directe de la Fortune des Rougon. Le lecteur débarque dans le jardin des Mouret (Marthe et François, cousins germains). Le couple vit bien, François ayant hérité de l’affaire de son père et du sens du négoce de celui-ci. Les Mouret penchent du côté de la République mais la politique ne les passionne guère. Ils s’entendent avec le clan des Rastoil (légitimiste et royaliste) leurs voisins de gauche et avec le clan de la sous-préfecture leurs voisins de droite. Les deux camps ennemis s’observant par-dessus son potager.

La famille se mettait à table quand les nouveaux locataires des chambres du second étage de la maison débarquèrent avec quarante-huit heures d’avance : l’abbé Faujas suivi de sa vieille mère arrivant de Besançon précédés de rumeurs défavorables. Mais contre toute attente, l’abbé se révèle un locataire idéal, bon payeur et très discret. A tel point que les commères de la ville se trouvèrent horriblement frustrés car tous espéraient des cancans sulfureux. L’ascétisme de l’abbé Faujas parvint même à décourager les plus curieux qui avaient entrepris de l’espionner. Déçu, Plassans laissa soudain éclater sa rancune et traita le religieux en paria. Seule Félicité sembla s’entendre avec lui, évoquant des relations communes haut placées à Paris. On pense naturellement à Eugène Rougon, ministre de l’Empire. Qui est donc réellement l’abbé Faujas ? Certainement pas ce prêtre falot et décati que l’on croit. Le religieux paraît être venu dans le midi pour une raison précise et en rapport avec le titre du livre qui n’a certainement pas été choisi au hasard.

La conquête de Plassans : Félicité conseille l’abbé Faujas afin de le sortir de l’impasse dans laquelle il se trouve, de le faire apprécier de ces dames de la bourgeoisie aisée et des quartiers populaires. Le prêtre change alors ses habitudes et son comportement et prend les choses en main.

Parallèlement à l’ascension inexorable du religieux, le lecteur assiste impuissant à la descente aux enfers du couple Mouret. La bonne entente de la famille a vécu : Marthe se fait dévote, les enfants sont éloignés (Serge, qu’on retrouvera dans la Faute de l’abbé Mouret, entre au séminaire) et François enrage de l’emprise chaque jour grandissante que l’abbé Faujas semble exercer sur son épouse.

La conquête de Plassans est une synthèse presque exhaustive des bassesses humaine : cynisme, voyeurisme, hypocrisie, âpreté au gain, cupidité, jalousie, ressentiment, commérage, médisance, calomnie, malveillance, indécence, avarice, obséquiosité, versatilité, corruption, haine, meurtre… Tout y passe. Presque tous les personnages de ce roman ont leur part d’ombre et bien peu se révèlent sympathiques. Lutte pour le pouvoir, lutte pour dominer et asservir l’autre. Lutte dans laquelle tous les coups sont permis, encouragés. Atmosphère délétère et grande austérité dans laquelle seul le soleil provençal se montre généreux. J’ai personnellement trouvé que Zola en faisait peut-être un peu trop dans une seconde partie poisseuse où domine l’avilissement de l’autre (et de la femme en particulier). On retrouve également le thème de la folie qui émaille plusieurs livre de la saga : la folie primordiale d’Adélaïde Fouque qui croupie dans un asile d’aliénés, la folie artistique de Claude Lantier, la folie mystique d’Angélique Rougon, la folie meurtrière de Jacques Lantier…

Le final, brûlant, arrive comme une purification : Plassans et sa douceur de vivre vont pouvoir renaître de leurs cendres.
BibliOrnitho
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le 19 avr. 2013

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