Commérages et quête de pouvoir en province

Ces dernières semaines, quand je parlais à mes proches de ma lecture du moment sans qu'ils ne m'aient d'ailleurs posé de question à ce sujet, je la résumais ainsi : "Commérages et conquête de pouvoir en province".

En quelques mots, Les Mouret, un couple de bourgeois de Plassans, accueillent comme locataires l’abbé Faujas, un prêtre austère venu de Besançon, et sa mère. L’abbé Faujas va tenter de conquérir Plassans, exacerbant ainsi les jeux de pouvoir dans la politique et le clergé locaux, et dans la maison des Mouret.

Dans ce livre, j'ai reconnu la ville moyenne d'où je viens, et les gens qui y habitent. J'ai retrouvé ce petit milieu où tout le monde se connaît, où les histoires sur les uns et les autres, si médiocres et si divertissantes, rythment les soirées, font les réputations, et créent des inimitiés qui ne durent pas (citation : "Ils en parlaient comme d'une catastrophe, avec ces minuties de détails qui aident à tuer les longues soirées de province").

En grand fan de politique, j’ai adoré les jeux de pouvoir, qu’ils aient lieu au clergé, pour le mandat de député avec un duel à distance entre légitimistes et bonapartistes, ou au sein même de la maison des Mouret.

J’ai suivi avec passion les caractères réalistes et actuels des personnages, et leurs trajectoires. Selon le chapitre, je me mettais à détester celui ou celle dont j’espérais le succès au chapitre précédent; mon empathie passait d’un personnage à l’autre, et en fin de compte j’avais des raisons d’aimer et de mépriser chaque personnage.

Et quelle fin !

Détail important, La Conquête de Plassans contient très peu de descriptions, et se trouve donc plus riche en action si l’on compare ce livre aux 3 premiers des Rougon-Macquart. J’ai trouvé cela appréciable dans une certaine mesure même si j’aurais aimé voir un peu plus de ces descriptions de Zola que j’aime tant. On décrit peu le "milieu" dans ce tome, mais peut-être que c'est parce que le milieu s'y limite aux personnages et à leurs relations. Ou plus trivialement, parce que Plassans avait déjà été décrite abondamment dans La Fortune des Rougon.

Les chapitres sont aussi beaucoup plus courts que dans les 3 premiers livres (23 chapitres dans ce livre, contre 7 dans Le Ventre de Paris, alors que ces 2 livres sont de longueur similaire). Là où chapitres des 3 premiers livres ressemblaient plus à des fresques peignant une dimension d’un milieu et de ses gens (la trame narrative jouait ceci dit un rôle important dans la construction des chapitres), les chapitres de La Conquête de Plassans se limitent à des actions plus courtes, faisant évoluer la trame sur un aspect bien circonscrit. Je pense que les deux ont leurs avantages et leur charme. Je dirais toutefois que les chapitres courts rendent la lecture plus accessible pour les lecteurs non aguerris (dont je fais partie), et si par exemple, comme moi, on lit un peu tous les soirs avant de dormir.