Je précise que je n'ai pas lu cet ouvrage dans l'édition proposée ici, mais dans celle de 1991 aux éditions La Découverte.

L'introduction de l'édition La Découverte n'apprendra pas grand-chose au lecteur averti, et est assez datée, mais là n'est pas l'intérêt du livre. Il s'agit de six lettres qui furent envoyées à Charles Quint, entre 1519 et 1526, afin de rendre compte à l'empereur de l'avancée de la conquête du Mexique.

La première n'est pas rédigée par Cortès, mais celui-ci dut en réviser le texte. La seconde et la troisième, qui comportent les passages les plus connus, ont trait à la conquête de Mexico. Dans la quatrième apparaissent les premiers indices d'endettement et de disgrâce de Cortès, confronté à plusieurs révoltes. La cinquième est un véritable récit d'aventure, et retrace une expédition malheureuse dans la jungle d'Amérique centrale : elle rappellera des passages de grand cinéma à ceux qui ont vu "Aguirre" de Werner Herzog.

Les lettres s'adressent toujours à Charles Quint. Le récit chronologique qu'elles fournissent est resserré, et l'on peut déplorer l'absence de chronologie en annexe, ou le caractère sommaire des cartes. Devant la richesse de cette source, on ne fera que quelques remarques :
- Le récit de Cortès est partial, et à cet égard mérite d'être comparé avec les mémoires d'un de ses soldats, Bernard Diaz del Castillo. Je conseillerai cependant de commencer par celui de Cortès. Un exemple de partialité : Cortès décrit un moment où il s'est trouvé en danger sans préciser qu'il s'agissait d'une erreur stratégique manifeste de sa part.
- La conception de la conquête qui transparaît est assez contrastée, et ne se résume pas à celle d'un boucher sanguinaire. Cortès s'efforce de connaître la culture indigène, et sait exploiter au mieux les rivalités entre les différents peuples : au cours de certaines batailles, les Espagnols se contentaient de regarder leurs alliés indiens et leurs ennemis se massacrer.
- Evidemment, l'auteur a une vision coloniale des "naturels". Pour lui, il ne fait pas de doute que les "Indiens" doivent travailler pour les colons espagnols. Il n'en demeure pas moins que Cortès dénonce certains abus des colons, bien qu'on puisse se demander parfois s'il ne règle pas des comptes personnels. Visiblement l'éloignement de l'Espagne laissait une grande latitude aux rivalités entre représentants du roi. Par ailleurs, à aucun moment le conquistador ne prône l'extermination, et il semble préférer la soumission sans violence physique, ce que les faibles effectifs dont il disposait - un problème récurrent - rend parfaitement compréhensible.
- Pour autant, les Indiens ne sont pas obligatoirement vus comme des êtres inférieurs. Cortès est sensible à leur piété et au raffinement de leur architecture. Il est cependant obsédé par leur conversion, et les sacrifices humains ou le cannibalisme pratiqués par les Aztèques suscitent son horreur à plusieurs reprises. Cortès dresse cependant implicitement une hiérarchie entre peuples civilisés faciles à asservir et peuples sauvages.
- Un autre trait qui frappe est l'insistance à recenser les ressources et les biens à tirer de la "Nouvelle Espagne". Dans chaque grande cité ou région, Cortès prend la peine d'énumérer les produits agricoles, miniers, le dynamisme de l'artisanat, etc... Là encore, on ne saisit jamais bien s'il souhaitait légitimer ainsi ses demandes en hommes auprès de la couronne d'Espagne, ou s'il s'agit vraiment des conceptions impérialistes de l'époque : je penche pour la deuxième hypothèse, et le moins que l'on puisse dire est que cet impérialisme avide de ressources est... décomplexé.

Bref, un ouvrage à lire, qui ne minorera pas l'atrocité de la conquête du Mexique mais permet en partie de faire la part des responsabilités individuelles et des rivalités au sein du camp espagnol. On y trouve aussi quelques passages suggestifs, mais trop rares, sur les moeurs des Aztèques.
zardoz6704
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le 3 août 2011

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