Manon Garcia revient sur une notion qui fait beaucoup parler d’elle depuis #MeToo, celle de consentement. La libération de la parole a permis de mettre au centre de l’attention médiatique et sociétale le besoin et la nécessité de lutter contre les violences systémiques envers les femmes, et le viol en particulier. Nous avons besoin d’outils pratiques, moraux et juridiques, pour pouvoir juger de la différence entre le bon sexe et le mauvais, le sexe consenti et le viol.


Le flou demeure parfois, cette zone grise, telle qu’elle a été définie. Il y a beaucoup de raisons d’accepter du sexe, dans une société hétéro-normée patriarcale. Vous pouvez accepter du sexe pour faire plaisir, parce que vous avez peur de la réaction de l’homme qui est en face de vous, par résignation, par tranquillité mentale, pour ne pas être considérée comme une « frigide », parce que l’homme qui est dans votre lit semble vraiment en avoir envie, et que vous êtes une fille gentille, vous pouvez accepter du sexe.


Manon Garcia explore de manière remarquable toute la complexité d’un concept, avec cette pendule morale et juridique au-dessus de nos têtes. Est-ce possible de consentir réellement, pour les femmes, dans un monde qui dénie toute valeur à leur « non », qui fait dire aux garçons qu’un « non » vaut un « oui », qu’une femme se doit de refuser d’abord, d’être une sainte-nitouche, pour ne pas paraître trop intéressée par le sexe. Est-ce qu’il y a consentement quand on ment à sa/son partenaire pour du sexe (prétendant être célibataire alors qu’on est engagé à quelqu’un d’autre) ?


D’une limpidité exemplaire, Manon Garcia s’appuie sur une grande quantité d’autrices féministes (mais aussi notamment de Foucault) ainsi que de théoricien.ne.s du droit libéral pour réfléchir à la notion d’autonomie sexuelle dans une société patriarcale. Elle revient sur les contrats obligatoires proposés avant par la scène BDSM, sur les litiges juridiques, les sex wars anti et pro sexe pour en arriver aujourd’hui, à cette nécessité d’offrir à notre vie sexuelle et à la scène juridique des moyens concrets pour pouvoir converser sexuellement, au lieu de se battre, de se faire du mal.


Philosophe, Manon Garcia défend un propos clair, malgré la complexité des cas. On dévore son livre car on veut savoir, comprendre, ce qu’il est possible de faire pour une meilleure alliance sexuelle entre hommes et femmes, entre autres, et pour lutter tant à l’échelle individuelle que collective contre les viols, si fréquents, si communs, dans le sexe de la vie de tous les jours. Elle termine en donnant des clés par un détour vers la Suède où un homme peut être jugé pour viol par négligence, et comme boussole indéboulonnable, rappelle l’importance de mettre en place une éducation à la vie sexuelle, pour les jeunes mais aussi les adultes.


Critique publiée dans le Suricate magazine le 28 novembre 2023 : https://www.lesuricate.org/comment-distinguer-le-viol-du-sexe-la-conversation-des-sexes/

Cambroa
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le 13 août 2024

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