Difficile de parler d'un roman aussi court (150 pages environ) sans trop dévoiler l'histoire. Je vais faire mon possible, mais il risque d'y avoir des spoils.
Plus de dix ans après la parution de Dracula, Stoker pense se refaire un nom en reprenant une formule identique. Les points communs sont nombreux, en commençant par l'organisation du texte : extraits de journaux intimes, d'articles et de lettres, La Dame au linceul reprend la formule qui avait tant réussi à son fameux prédécesseur. mais les changements sont moins nombreux : l'essentiel du roman est extrait du journal intime du personnage principal, Rupert Sent Leger.
Autre point commun : l'ambiance. La majorité du roman se déroule dans un château isolé dans des montagnes désolées, lieux d'innombrables légendes et mythes, décor très favorables à toutes les superstitions. Et c'est là une des grandes forces du roman : Stoker se plaît à faire des descriptions qui savent implanter une ambiance où le surnaturel devient plausible. La lumière spectrale qui donne aux arbres une teinte "mortellement pâle", une église abandonnée et sa crypte mystérieuse... Bienvenue à Gothic Park !
Avec tout ça, le romancier s'amuse à brouiller la frontière entre la réalité et la fiction. Et rend plausible toutes les théories, même les plus fantaisistes.
Et c'est dans ce cadre, avec cette ambiance si particulière, qu'arrive l'impensable, une histoire d'amour comme on en voit trop peu. En écrivant ce court et passionnant roman, Stoker se déclare parfait héritier du romantisme noir. La narration à la première personne est particulièrement bien utilisée par Stoker : nous partageons vraiment les sentiments de Rupert, ses doutes et ses certitudes, ses angoisses et ses joies.
[N.B. le roman mériterait 7,5/10. Après moult hésitations, j'ai opté pour le 8 un peu surévalué]