Retour de lecture sur “La dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil” un roman policier de Sébastien Japrisot publié en 1966. Ce livre raconte l’histoire de Dany Longo, une jeune secrétaire qui travaille dans une agence de publicité, et qui est sollicitée par son patron pour l'emmener, lui et sa famille, à l’aéroport. Pour cela Dany est chargée d’utiliser la belle voiture américaine du patron, une Thunderbird, pour la ramener ensuite au pavillon du couple. Sur un coup de tête, sur le chemin du retour, elle décide de ne pas ramener la voiture et de l’emprunter tout le week-end pour une virée improvisée dans le sud, voir la mer. Commence alors un road trip angoissant pour cette femme avec une agression surprenante dans une station service au cours de laquelle elle se fait sauvagement écraser la main. Viennent ensuite une succession de rencontres déstabilisantes avec des gens persuadés de l’avoir déjà vu la veille alors qu’elle était à Paris, un cadavre qui apparaît dans le coffre de la voiture, des rencontres aussi avec des hommes qui ne lui veulent pas tous que du bien. Ce livre nous emmène dans un récit très étrange, captivant, on ne sait pas où on va et on ne comprend pas vraiment ce qui arrive à cette femme. On ne sait pas si elle n’est pas tout simplement folle, si elle rêve tout cela, si elle ment, ou si elle est victime d’une machination qui semble pourtant assez improbable. Tout au long de cette lecture, et au fil des rebondissements, on oscille entre ces différentes explications et on tourne les pages sans nous en rendre compte. Le grand intérêt de ce livre, et sa principale qualité, réside dans la personnalité très subtile et particulièrement attachante de l'héroïne, qui est à la fois très naïve, paumée et pourtant assez lucide par rapport à tout ce qui lui arrive. Japrisot, dont j’ai déjà pu apprécier les talents de conteur dans son roman “Un long dimanche de fiançailles”, que j’avais trouvé quasi parfait, nous raconte là une histoire plutôt bien construite, avec une narration efficace, découpée en quatre parties qui apparaissent dans le titre: la dame, l’auto, les lunettes et le fusil. C’est dans la dernière partie que l’explication finale apparaît et c’est la grande déception de ce roman, celle-ci étant vraiment alambiquée et manquant totalement de crédibilité. Avec la meilleure volonté du monde, on a du mal à y croire. Cela gâche vraiment cette lecture, puisque tout le côté mystérieux est basé sur quelque chose de totalement invraisemblable. On s’attend à un dénouement original et malin, et puis finalement, non, on est déçu, certaines choses sont expliquées, mais la trame principale repose sur des hasards totalement improbables. C’est dommage, le roman est pourtant très original, il y a beaucoup de suspens, et il est très agréable à lire avec cette écriture toujours très douce et fluide de Japrisot. C’est un livre dans lequel on parle de Nationale 6 pour aller dans le sud, de machine à écrire, de voitures DS, de cigarettes Gitanes, tout un décor très sixties. On a un peu la même impression de plongée dans un univers vintage que lors du visionnage d’un vieux Columbo. J'ai bien aimé la petite préface de l’auteur dans laquelle il se dit content, après avoir terminé l’écriture du livre, que la dame dans l’auto puisse continuer à exister à travers les lecteurs de ce livre. C’est finalement ce qui reste de cette lecture, une belle rencontre avec un personnage très attachant et original qu’on a suivi avec beaucoup de plaisir dans ces années 60, cela malgré la crédibilité très discutable du scénario.
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“Je me suis habillée, tailleur blanc, pansement mouillé, lunettes noires, après m'être aperçue, en cherchant un peigne dans mon sac à main, que Philippe ne m'avait pas abandonnée une seconde fois sans me prendre mon argent. Mon enveloppe salaire était vide, mon portefeuille aussi. Je ne crois pas avoir ressenti d'amertume. C'était enfin quelque chose de naturel, que je pouvais m'expliquer facilement.”