Antoine et Madji se rencontrent dans une clinique privée. Le premier, en pleine dépression, vient de perdre sa compagne et de se faire renverser par une voiture. Le second est le fils d’un roi du pétrole. Il souffre d’une « insensibilité congénitale à la douleur ». Incapable de ressentir le moindre traumatisme corporel (fracture, brûlure ou autre…), il est cloîtré depuis son enfance dans l’établissement où des médecins peuvent le surveiller jour et nuit et intervenir au moindre souci.
Entre « l’anesthésié des sentiments » et « l’anesthésié physique », le courant passe d’emblée. Et puisque l’un comme l’autre n’ont plus rien à espérer pour eux-mêmes, ils décident de « faire le Bien » et de rendre l’existence plus belle aux victimes et aux perdants de la vie. Une entreprise qui, au fil de leurs pérégrinations, va leur valoir une célébrité aussi soudaine qu’inattendue et enclencher un mouvement de masse aux allures de vague irrésistible…
J’avais découvert (et apprécié) Julien Jouanneau avec « L’effet postillon et autres plaisirs quotidiens ». Je le retrouve ici avec un roman « feel good » prônant la solidarité collective, l’altruisme, la tolérance, la gentillesse et l’ouverture aux autres. Pas la peine d’être devin pour se douter que ce genre d’ouvrage n’est pas, mais alors pas du tout, ma tasse de thé. J’ai donc été à deux doigts d’abandonner en route. Trop de bienveillance me donne la nausée. Sans compter que l’histoire, certes originale, me semblait bien trop pétrie d’optimisme pour garder une quelconque crédibilité.
Oui mais. Jouanneau est malin. Avant de nous noyer complètement sous la guimauve, il ouvre une brèche et y engouffre un poil d’acidité. Le titre aurait dû me mettre la puce à l’oreille. Vouloir imposer le bien à tout prix, selon son seul et unique point de vue, n’est-ce pas une forme de dictature ? La société est-elle prête à entendre et accepter une telle « doctrine » d’ailleurs ? Et puis le bonheur des uns fait le malheur des autres, c’est bien connu. Donc les choses tournent mal, et ça me plait. A cet égard, je trouve les deux dernières pages parfaites, dans un style lapidaire et direct, conclusion logique et désabusée qui ne pouvait qu’emporter mon adhésion.
Du moins, si je n’avais pas lu l’épilogue. Comme je le déplorais déjà à propos de Magic Time récemment, il a fallu rajouter une happy end dégoulinante de bons sentiments. Ça devient une sale manie, à croire que le lecteur ne peut pas rester sur une fin pessimiste (et lucide). J’espère que vous ne m’en voudrez pas, monsieur Jouanneau, d’avoir proprement découpé au cutter cet épilogue, mais il me fallait effectuer ce « sacrifice » pour que votre roman se termine d'une façon qui me convienne. Un caprice de lecteur allergique au "feel good", que voulez-vous, on ne se refait pas...