Quel est donc le statut du livre « La disparition de Joseph Mengele » que l’on doit à la plume, apparaissant ici besogneuse, de Olivier GUEZ ? Je m’interroge sur le statut de ce livre sachant que les Editions Grasset l’ont classé sous la rubrique Roman alors que l’écriture tente de nous convaincre qu’il s’agit d’un récit historique ; mieux, d’un essai historique étayé puisque l’auteur s’oblige à préciser sans cesse les lieux, les dates, les titres, les faits et actes des différents personnages qui gravitent autour du héros, Joseph Mengele.
Héros qui, cela apparaît logique dans le politiquement correct de notre air du temps, est un personnage vidé, fini, petit, minable, rongé par ses envies de pouvoir, de paraître et son inaptitude complète à raisonner en individu doté d’une conscience. En effet, c’est là l’originalité du travail de Olivier GUEZ, Mengele n’est pas, plus, le tout puissant médecin tortionnaire d’Auschwitz, il est une épave en fuite, une bête traquée dépendante des autres, il n’est plus que le torchon, le paillasson d’un système doctrinaire nauséabond, le Nazisme. Mais il y croit ! Il est et doit rester fier de ses états de services, il n’a fait que son devoir ! … De quoi faire naître chez le lecteur une furieuse envie de le massacrer et de le faire souffrir autant que possible, à défaut de vouloir fermer ce livre et tourner le dos à cette ordure historique dont on connaît par ailleurs les grands méfaits.
L’écriture est laborieuse, je le pense à tout le moins, mais j’insiste, non par manque de capacité de Olivier GUEZ mais par choix stylistique, par volonté d’entraîner le lecteur à la suite de l’enquêteur qu’a été l’auteur pour réunir toutes les données et les faire coïncider avec une hypothétique histoire vraisemblable nous racontant l’après-guerre de ce Joseph Mengele. On est très probablement pas loin de la vérité mais, cela n’est qu’un roman, donc tout peut être remis en cause…
Durant toute ma lecture, j’ai été dérangé par ce personnage abject, sans remord, et par la complicité, souvent mercantile, de tous ceux qui l’ont aidé à passer entre les mailles des filets tendus par les juifs, les allemands, les américains, … bref par tous ceux qui affirmaient vouloir faire de sa capture une priorité sans faille. J’ai aussi développé quelques lourdes aigreurs d’estomac lorsque Joseph Mengele est présenté comme un pauvre personnage souffrant moralement de ne pouvoir construire une famille durable, de ne pouvoir circuler au grand jour, de devoir en permanence dépendre de complices dont il est toujours prêt à douter. Non, vraiment, ce n’est pas une vie … Pauvre Joseph !
Et pourtant, la lecture a été addictive. Plus j’avançais, plus je sentais qu’il y avait là quelque chose à découvrir, à prendre et à ne plus lâcher ! Quelle était donc la profondeur de ce roman ? Quel en était, pour moi, le message à saisir ? Conscient, je rentre ici dans la problématique de l’effet miroir d’un livre. J’y trouve ce qui me reflète, en creux ou en pleins mais pas nécessairement en accordance avec l’idée initiale de l’auteur. J’assume. Ce qu’écrit Olivier GUEZ à propos des dictateurs d’opérette de l’Amérique du sud, des calculs cyniquement géopolitiques de ceux qui cherchent, prennent et ne veulent pas lâcher le pouvoir, ce qu’il dit à propos de toute la corruption gangrénée par des fanatismes de tout bord et par les lobbies de la realpolitik, Olivier GUEZ nous le plante dans un décor cohérent, « le temps de la cavale de Joseph Mengele » … mais, en fait, tout ce déballage relève du domaine de l’universel, du sempiternel combat des uns pour être reconnus comme plus forts que les autres. Si Mengele est le Caïn du 20e siècle, il n’est pas le seul et nous devrions réviser nos vies et nous méfier de l’Homme, celui qui se laisse envahir par la bête qui est pas loin de nous, tout près, à côté, parfois en nous !


[« La disparition de Joseph Mengele » est l’histoire d’un homme sans scrupules à l’âme verrouillée, que percute une idéologie venimeuse et mortifère dans une société bouleversée par l’irruption de la modernité. Elle n’a aucune difficulté à séduire le jeune (médecin) ambitieux, à abuser de ses penchants médiocres, la vanité, la jalousie, l’argent jusqu’à l’inciter à commettre des crimes abjects et à les justifier. Toutes les deux ou trois générations, lorsque la mémoire s’étiole et que les derniers témoins des massacres disparaissent, la raison s’éclipse et des hommes reviennent propager le mal.]


Ce livre est donc une terrible, pressante invitation pour moi à veiller, à me méfier de moi-même et des autres. Jamais je ne dois baisser la garde sur les valeurs, les principes que je veux défendre. Jamais je ne dois me laisser endoctriner, submerger par des discours, des idéologies mortifères pour l’Humanité. Toujours je dois poursuivre et favoriser le devoir de mémoire, le maintien d’un état de conscience. Toujours je dois cultiver en moi, et autour de moi, la volonté chez l’homme de vivre debout et de tisser des liens solides pour que les collectivités vivent en partage de la Terre, de ses richesses et des devoirs que nous avons envers elle et nos descendants.
« La disparition de Joseph Mengele, de Olivier GUEZ, un livre qui pose questions, un livre qui nous invite à construire des réponses.

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le 10 nov. 2017

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