La Fabrique du crétin par SanFelice
La lecture de ce livre est intéressante à deux points de vue : si on est parents, on comprend un peu mieux pourquoi notre enfant n'a pas l'air de progresser intellectuellement à l'école ; si on est prof, on retrouve ici la réunion de toutes les remarques qui nous viennent à l'esprit au sujet de la pratique de notre métier.
Jean-Paul Brighelli est prof de lettres ; il a enseigné aussi bien en ZEP qu'en classes prépas. Il s'exprime en une langue très claire (bien qu'un peu répétitive parfois). Son propos est évident.
Il nous explique pourquoi et comment le niveau scolaire a tant baissé depuis 40 ans maintenant. Il pense que ceci est concerté. Que le néo-libéralisme triomphant fabrique consciemment des crétins, un peuple sans culture, qui ne pourra pas se révolter et se transformera en une sorte de société moderne d'esclaves, corvéables à merci.
Mais ce qui est surtout intéressant, c'est quand il décrit les moyens employés pour rendre cette école inefficace. C'est là que je le rejoins totalement.
1°) La méthode globale (et sa conséquence immédiate, la dyslexie). Le moyen est radical : grâce à cette aberration, c'est encore un miracle si certains élèves savent à peu près lire.
2°) Le Collège Unique, instauré dès les années 70. L'idée de départ était séduisante (l'Enfer est pavé de bonnes intentions, n'est-ce pas ?), mais le principe confond "égalité" et "équité". D'autant plus que le système est tout sauf équitable, faisant perdre des années de vie à des élèves obligés de s'ennuyer jusqu'à 16 ans dans des collèges où ils ne comprennent plus rien depuis des années...
3°) 'L'élève au centre du système" ? Autre fausse bonne idée, car elle a abouti à la baisse générale du niveau. Le but de l'école est d'élever ces ados jusqu'à un niveau de culture et de savoir, alors que, concrètement, depuis des années, on abaisse le savoir jusqu'au niveau des élèves.
4°) "80% d'une classe d'âge au Bac". Résultat : les consignes de correction totalement aberrantes, des fautes flagrantes qui ne sont plus sanctionnées (directives ministérielles oblige), des notes augmentées en douce par les rectorats, un Bac quasiment donné et qui, au final, ne vaut plus rien. Brighelli remarque avec justesse que les métiers qui, autrefois, recrutaient au Bac, recrutent maintenant à la licence.
Brighelli signale de nombreuses autres choses ; dans ses chapitres thématiques, il parle des manuels scolaires, de la laïcité, de la violence, des ZEP, etc.
Là où il est le plus frappant, c'est quand il nous rappelle le fossé gigantesque qui sépare l'immense majorité des établissements d'un côté, et les lycées ultra-favorisés de l'autre. La société a besoin d'une élite, qui sera toujours protégée contre les dérapages de la nouvelle pédagogie post-soixante-huitarde. Le problème, c'est que ces élèves d'élite sont les enfants des élites déjà au pouvoir. Plus aucune mixité sociale. Plus aucune chance pour ceux qui partent du bas.