L’auteur, Charles-Éloi Vial est conservateur à la BNF et il a réalisé une histoire de la prison du Temple sous la Révolution, quand elle a accueilli après le 10 août 1792 et la prise des Tuileries, ce qui restait de la famille royale : Louis XVI, Marie-Antoinette, Madame Élisabeth (sœur du roi), Marie-Thérèse et le Dauphin qui aurait dû régner sous le nom de Louis XVII (leurs 2 enfants). C’est en effet cette sorte de grand donjon médiéval en plein cœur de Paris, qui va servir de lieu de réclusion en attendant que leur sort soit fixé par la Convention. L’auteur cherche à reconstituer le quotidien des prisonnier(e)s en s’appuyant sur des sources jusqu’ici peu utilisées : les mesures de sécurité, les comptes concernant la nourriture, le bois de chauffage…Mais aussi qui étaient les Commissaires du peuple qui, chaque jour à tour de rôle, venaient inspecter les prisonniers afin d’éviter toute tentative d’évasion et de faire leur rapport. On ne manque pas de témoignages sur la captivité de la famille royale dans cette prison, mais la plupart sont des témoignages postérieurs favorables à la monarchie nous dépeignant des conditions d’emprisonnement absolument terrifiantes, faisant des prisonnier(e)s de véritables martyrs. Vial montre aussi que pas mal de ces témoignages sont purement fantaisistes, inventés de toutes pièces par des personnes qui souhaitaient obtenir des places ou des récompenses sous la Restauration. C’est le cas par exemple de celui de Marie-Jeanne, la veuve du cordonnier Simon qui avait été le violent geôlier du Dauphin et avait raconté au début du XIXe s avoir participé à son évasion…Il n’en reste pas moins que les conditions de survie y ont été assez terribles, se dégradant au fil du temps et de la situation politico-économique chaotique du pays. Comme l’explique l’auteur : La captivité du Temple a fini par « devenir un monstre d’absurdité tout en se transformant en un foyer de corruption. Par sa succession de mesures cruelles et de rétorsions absurdes, la prison du Temple semble même avoir peu à peu miné la cause révolutionnaire » en remettant par exemple en cause les valeurs sur lesquelles s’était faite la Révolution en 1789 (la présomption d’innocence, la justice, la primauté de la loi…). Louis XVI est guillotiné en 1793, Marie-Antoinette et sa belle-sœur en 1794. Quant au Dauphin, il finit totalement isolé de ses parents, et mourant au Temple en 1795 sans doute d’une grave tuberculose aggravée par les mauvais traitements de la part de son geôlier. Il avait 10 ans. L’auteur tord ainsi le cou à toutes les théories du complot qui auraient permis son évasion de la prison et donc sa survie et qui continuent aujourd’hui encore de prospérer. Non, il est bien mort d’une absence de soin de sa maladie, dans un état lamentable, quasi-muet mais il est bien plus facile de se rassurer en affirmant qu’il a survécu plutôt que d’accepter qu’on ait laissé mourir un enfant dont on ne savait pas trop quoi faire. Ce qui au passage arrangeait aussi ses oncles exilés qui ainsi, devenaient les héritiers du trône en cas de restauration de la monarchie…La seule à avoir survécu au Temple est Marie-Thérèse, 17 ans, échangée à l’Autriche en décembre 1795 contre des prisonniers. Elle a fini par épouser son cousin, le fils du Comte d’Artois (futur Charles X) et elle a donc été par son mariage dauphine de 1824 à 1830. C’est un récit très intéressant que nous fait Vial, le 1er véritable sur ce sujet, la Révolution vue à travers un lieu symbolique ayant une portée politique essentielle dans les événements qui se sont déroulé pendant cette période, entré depuis dans la légende d’une famille sacrifiée et l’auteur se demande si les condamnations à mort de Marie-Antoinette et Élisabeth étaient vraiment nécessaires, alors que celle de Louis XVI (devenu Louis Capet) pouvait au-moins se comprendre (Était-il possible de laisser en vie l’ancien roi au risque qu’il finisse par être libéré ? L’exil dans un pays étranger était-il vraiment envisageable ?...). Et il ne faut pas oublier que les députés les plus radicaux de la Convention parlaient à ce moment-là aussi de guillotiner les enfants royaux ! Cette prison a été détruite à la demande de Napoléon 1er à partir de 1809 jusqu’en 1811. Elle reste pourtant profondément ancrée dans les heures les plus sombres de la Révolution, comparée par des témoins à l’Enfer de Dante : « Lorsqu’on entre ici, Messieurs, il faut laisser toute espérance à la porte ! ».