Quel destin incroyable que celui de Herbjörg Maria Björnsson ! Celle que Hallgrimur Helgason (l'auteur) a surnommé La femme à 1000° n'a pas volé sa réputation : aujourd'hui, au crépuscule de sa vie, celle qu'on appelle aussi Herra, vit dans un garage avec pour simples effets, un ordinateur portable relié à Internet, une grenade de la seconde guerre mondiale héritée de son père, deux cartouches de clopes et... ses souvenirs... Et quels souvenirs ! Cette islandaise au caractère chaud comme la braise et au destin hors du commun émeut, fascine et intrigue à la fois. Accompagnée dans ses vieux jours de son "coeur d'acier" et son cancer, elle témoignage du loin de ses 80 hivers, d'une vie bien remplie. Orpheline de père pendant 7 ans dès son plus jeune âge, puis abandonnée et violée, la "femme aux cent hommes" revient sans détours sur une vie faite d'errances, de choix tortueux et d'épreuves. En somme une vie riche de tout et de... rien. Comme elle le dit elle-même : "Il faut toute une vie pour comprendre la vie. Nous sommes perdus au présent, à peine plus sages quand l'existence a passé." (p. 136). A lire cette maxime, on devine bien le personnage qu'a été ce surprenant bout de femme. A l'image de l'Islande sauvage et insoumise, Herbjörg a écrit son histoire dans la lave, le feu et la tempête, car il n'est pas d'anecdotes invraisemblables à laquelle l'héroïne de ce livre n'ait apporté sa touche personnelle tragique, absurde ou drôle. Tour à tour amante, sorcière, meurtrière, nazie, fille des bois, vagabonde, clandestine, femme fatale ou bafouée, mère délaissée ou orpheline, grande dame ou prostituée, ce n'est pas sans une pointe d'ironie et un brin de fatalité que "La femme à 1000°" résume son histoire : "A vrai dire, mon existence était devenue fiction alors qu'ici se déroulait l'Histoire. La mienne, d'histoire, était une page d'une épopée plus importante. Ma vie n'était que papier épuisé sur lequel, le temps versait diverses et diaboliques aventures, formant un tome indigeste de récits extraordinaires dont le seul point commun était moi, et moi seule, qui n'était pas sans évoquer un livre de comptes : un millier de factures pour un millier d'aventures. Depuis, bien longtemps j'avais cessé de vivre ma vie, me contentant de la lire comme un livre. "Et après?" Seul le Dieu du souci savait quel type d'héroïne ressortirait de cette création. S'il avait pris une photo de moi à la fin de la guerre, ce n'aurait pas été une photographie en noir et blanc d'une jeune fille de seize ans aux cheveux bouclés, mais plutôt un portrait cubiste de Picasso d'une poissonnière bretonne au visage découpé en centaines de carrés." (p. 419).

Ce roman est véritablement une bombe à retardement. Lorsque l'on ouvre le livre, on ne s'attend pas à découvrir une histoire aussi folle et un destin aussi tortueux. Et puis, au fur et à mesure que l'on tourne les pages, on est pris par le tourbillon de l'histoire. Une histoire qui touche aux tripes. Qui évoque ces destinées incroyables tissées par John Irving (cf. Une prière pour Owen ou encore Hotel New Hampshire) ou Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez. Mais en plus poétique, en plus trash, en plus viscéral, en plus beau, en plus triste encore. Et cela tombe bien que l'ouvrage fasse plus de 600 pages car on s'attache à La femme à 1000° et on du mal à lâcher son histoire avant d'avoir parcouru les dernières pages de ses aventures hors du commun. Et moi qui ai toujours eu envie de découvrir l'Islande, me voilà servi : grâce à ce roman, mes envies d'escapades au pays des volcans et des geysers n'a jamais été autant justifié. Les personnages composés au couteau m'ont littéralement fasciné tout comme l'histoire politique de l'Islande que l'on connait finalement très peu (cf. rôle de l'Islande dans la seconde guerre mondiale). Avec ce deuxième roman traduit de l'islandais, Hallgrimur Helgason propose assurément un récit percutant, touchant, drôle et tragique qui mériterait de remporter le Grand Prix de Littérature du Conseil Nordique. Voilà donc un roman à découvrir de toute urgence ! Un grand coup de coeur et pour moi un nouvel auteur à suivre !

Enfin, je tiens à remercier Babelio et Les Presses de la Cité de m'avoir permis de découvrir cette formidable épopée dans le cadre de la dernière opération Masse critique. Sans cela, je serais véritablement passé à côté d'un livre coup de poing ! Et puis quel meilleur cadeau que ce livre dont la parution officielle est justement prévu le jour de mon anniversaire (22/08/2013) ?
Embuscades
8
Écrit par

Créée

le 6 août 2013

Critique lue 428 fois

2 j'aime

3 commentaires

Embuscades

Écrit par

Critique lue 428 fois

2
3

D'autres avis sur La femme à 1000°

La femme à 1000°
Embuscades
8

A découvrir !

Quel destin incroyable que celui de Herbjörg Maria Björnsson ! Celle que Hallgrimur Helgason (l'auteur) a surnommé La femme à 1000° n'a pas volé sa réputation : aujourd'hui, au crépuscule de sa vie,...

le 6 août 2013

2 j'aime

3

La femme à 1000°
Bobkill
7

Balade islandaise

Avantages : une vision exotique Inconvénients : on peut se perdre parfois Hallgrimur Helgason nous propose avec La Femme à 1000° une balade dans l’histoire de l’Islande du XXème siècle. On pourrait...

le 3 août 2015

1 j'aime

La femme à 1000°
Barbelo
3

Ne perdez pas votre temps...

Lire de la littérature islandaise n’est pas une occasion qui se présente très souvent alors, puisqu’une Masse Critique s’annonçait, pourquoi ne pas la saisir ? M’étais-je dit le mois dernier. Ce...

le 24 août 2013

1 j'aime

Du même critique

La femme à 1000°
Embuscades
8

A découvrir !

Quel destin incroyable que celui de Herbjörg Maria Björnsson ! Celle que Hallgrimur Helgason (l'auteur) a surnommé La femme à 1000° n'a pas volé sa réputation : aujourd'hui, au crépuscule de sa vie,...

le 6 août 2013

2 j'aime

3

Le doloromètre universel
Embuscades
8

Découvrez ce nouveau titre de la collection KholekTh des éditions de La Clef d'Argent. Vous ne serez

On en conviendra tous, la couverture du Dolomètre universel accroche inévitablement le regard. Mais que se cache-t-il derrière cette vision de torture ? Et qu'est-ce donc qu'un dolomètre ? Telles...

le 27 août 2013

1 j'aime

Shutter Island
Embuscades
8

Critique de Shutter Island par Embuscades

La lugubre asile-prison de Shutter Island situé au large de Boston abrite les malades mentaux les plus dangeureux dans ces États-Unis des années 1960. Teddy Daniels et son co-équipier Chuck Aul sont...

le 6 août 2013

1 j'aime