La maison wendat Hannenorak propose un nouvel album dans sa collection "Petit tonnerre" inspiré d'une chanson de l'autrice, "Fox", elle même inspirée d'un conte traditionnel inuit.


Quelque part dans le grand Nord du Canada, une renarde tombe sur Terre. Elle est fascinée par une famille inuit, composée d'une femme, d'un homme et leurs deux enfants. Elle a aussi un grand intérêt pour le magnifique habit de la femme, qu'on appelle "amauti". Au fil des saisons, elle observe la famille et apprend les moeurs de ces humains. Quand Irniq, l'aîné, est en âge de subvenir à ses besoins, il quitte sa famille. La renarde profite du départ du jeune homme pour la chasse pour nettoyer la tente, allumer le "qulliq", sorte de poêle, et préparer le thé. Au début, le jeune homme est ébahit par le phénomène. Un jour, il décide se cacher près de la tente et découvre la renarde allant sous cette dernière. Il y découvre une jeune femme et lui demande si c'est elle qui a effectué tout le travail durant ses absences. La jeune femme confirme et se déclare comme étant sa compagne. Ne voulant pas être seul, il accepte, mais se demande se qui est arrivé à la renarde. Ainsi passe quelques temps durant lesquels l'homme ramène des produits de la chasse et la femme tanne les peaux et préparer la viande. Néanmoins, la femme-renarde ne pouvait pas cacher l'odeur musquée qui émanait d'elle et qui semble incommoder son compagnon, qui émet de plus en plus de commentaires à ce sujet. Plus il se plaignait, moins la femme-renarde se sentait accueillie. Irritée et blessée, lasse se se faire reprocher d'être ce qu'elle est, elle fini par quitter et reprit sa peau de renard. Irniq vit la renarde au loin et l'appela, mais la renarde avait prit sa décision et ne revint jamais.


Je repense au nombre faramineux de romans jeunesse où des filles faisaient tout et n'importe quoi pour être la fille parfaite pour le gars pour lequel elles avaient le béguin, quitte à devenir complètement quelqu'un d'autre et même parfois, quelque CHOSE d'autre. Cette façon de se dénaturer et se soumettre aux dictats d'autres personnes m'a toujours semblé d'une grande tristesse et témoigne de la conditionnalité de certaines formes de relations "amoureuses". En ce sens, voir ici la femme-renarde comprendre que son compagnon n'est pas celui qui lui faut puisqu'il ne sait pas apprécier quelque chose d'aussi banal qu'une odeur, ma foi, ça me fait plaisir. Elle a bien raison de s'en aller. Quand on y pense, comment pourrait-elle partager un jour sa véritable nature si son compagnon est rebuté pour un des éléments de cette même nature? Ça ne l'encourage pas du tout à se dévoiler et pire, ça la dévalorise. Irniq n'a pas ailleurs jamais tâcher de parler réellement de cette incommodité avec sa compagne, ni proposer de pistes de solutions. On peut donc dire que cette relation n'était pas solide.


Et puis, si c'est vraiment si incommodant pour le jeune homme, pourquoi tenter de la rappeler? Peut-être Irniq a-t-il comprit que la femme était ce même renard qui le suivait quand il était enfant? Peut-être a-t-il réalisé qu'il risquait maintenant de la perdre? Cela dit, on en revient au même constat: même devant les faits, il ne sera probablement pas moins incommodé et ne sera sans doute jamais capable d'apprécier sa compagne dans son entièreté. Doublement bravo à la renarde de ne pas s'être laissée amadouée.


On a encore tendance à enseigner aux jeunes que l'amour engendre forcément des changements chez les gens, mais là où on nuance peu, c'est que ce changement ne peut être demandé sur des éléments intrinsèques comme le tempérament, la personnalité ou le physique. Par "changer", on peut entendre "évoluer favorablement" et non "modifier qui on est", et je déplore que ce soit cette dernière qui soit encore largement glorifiée, auprès des filles, surtout. Être plus belle, être moins exigeante, être plus accommodante, etc. La littérature jeunesse en contient encore de ce genre de message, d'ailleurs. Ici, c'est le contraire et je m'en réjouis. Si le compagnon ( ou la compagne) ne sait pas t'apprécier dans ton entièreté et ton unicité, peut-être n'êtes-vous pas faits pour être ensemble?
En tout cas, la question se pose.
Surtout si le compagnon en question en vient à blesser l'estime de sa compagne et ce, en dépit de toutes ses qualités.


Le graphisme est d'un style réaliste, très propre et même un peu "BD"(C'est sans doute en raison de son origine d'animations numérique). Les personnages sont beaux et le jeu de lumières bien exécuté. Mention aussi aux aurores boréales qui peuplent les cieux et qui sont plus communes dans le Grand Nord. Il n'y a pas grand chose dans ce coin du monde, hormis les vallons enneigés et les petits buissons qui constitue la taïga. Ça dépaysage, c'est sur!


Je précise cependant à nos amis européens que cette histoire se tient à une autre époque et ne constitue pas la norme actuelle des peuples inuits, qui ont des villages modernes et la plupart des commodités modernes également.


C'est donc un bel album sur une leçon pertinente que nous offre madame Deer.


Je vous met le lien youtube si vous voulez écouter la version chanson ( en anglais): https://www.youtube.com/watch?v=N3ziEC9bsaE


À voir!


Pour un lectorat du premier cycle primaire (6-7 ans) et plus.

Shaynning

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