Que serais-je sans toi, épisode 4/12
[Avertissement : cette critique est le quatrième épisode d’une étude sur Que serai-je sans toi ? de Guillaume Musso. Pour plus de clarté sur le projet :
http://www.senscritique.com/liste/Musso_parce_qu_il_le_vaut_bien/500931
I. Un projet d’envergure.
C. Les rebondissements
Ainsi, lorsque les deux protagonistes qui, rappelons-le, chutent au terme d’une lutte épique du Golden Gate Bridge, tombant à la fois dans l’eau et le coma, M. Musso nous donne à voir ce qu’est la zone des départs. Pour faire court, ils se retrouvent dans un aéroport où chacun est affublé d’un billet d’avion (avec date, horaire, siège et tout, on y croirait) avec pour destination la « vie » ou la « mort ». (Souligné, italique et gras dans le texte. Sic.) Pour corser le tout, arrive en même temps qu’eux Lizzie, une jeune fille de 14 ans qui s’est suicidée aux médicaments parce que son boy friend l’a quittée. (Nous sommes à la p.243 sur 300, et ce personnage apparait pour la première fois. La considérer comme un grossier accessoire à l’intrigue ne serait pas fortuit) Dans ce purgatoire des temps modernes, c’est l’heure des bilans.
Et des rebondissements.
Archibald a un billet vie, Martin un billet mort. Et Lizzie, aussi.
Archibald donne son billet à Martin parce que de toute façon il a dans la vraie vie un cancer en phase terminale donc bon, ce serait gâcher.
Mais Martin, souvenez-vous, paie les prostituées pour les emmener au restaurant, et rend visite aux orphelines sidéennes. Alors, logique, il donne son billet vie à Lizzie.
Nous voilà prêts aux larmes devant une telle dimension christique, mais les pages de ce livre sont tendues au point de faire passer un trampoline du cirque de Pékin pour un marécage de Louisiane : on y rebondit jusqu’à l’ivresse.
C’est le moment qu’attend l’héroïne pour nous révéler que sa mère, que tout le monde croyait morte en lui ayant donné la vie est en fait dans le coma. Vous suivez ?
Elle croit que son père est mort. On croit que sa mère est morte. (Et d’ailleurs, la raison pour laquelle Gabrielle n’a jamais été au rendez-vous crucial et ultime avec Martin, treize ans plus tôt, dans un café de New York après un été torride d’amours ininterrompues, c’est parce qu’on venait de lui apprendre que sa mère n’était en fait pas morte. Plutôt que de le dire à Martin, elle préfère lui ménager une surprise à la hauteur de la sienne, et attend la dernière page pour qu’il comprenne et lui pardonne.)
Mais son père était vivant, maintenant dans le coma avec l’amour de sa vie.
Et donc, le père va retrouver dans l’aéroport des comateux (dans lequel, souvenez-vous on peut manger des pigeons au foie gras) son amour de toujours. Elle donne son ticket vie qu’elle a depuis 30 ans, mais bon, il faut croire qu’elle était bien dans la salle d’attente, à Martin qui donc finalement va vivre, et les vieux meurent, passez votre tour, y’en a d’autres qu’aimeraient faire des bébés.
Et ils prennent l’avion, donc, pour leur voyage, pile dans des sens opposés, ce qui tendrait à démontrer que la vie et la mort ne se trouvent pas sur le même continent.
« Au moment de se croiser, une sorte d’interférence secoua les deux appareils, rappelant aux voyageurs que l’amour et la mort n’avaient finalement que deux lettres de différence. » (p. 290)
Les lecteurs de cette étude doivent probablement être ébahis par la puissance de la remarque sur l’amour et la mort. La réaction du lecteur du roman est quant à elle quelque peu émoussée dans la mesure où on la lui a déjà faite ; mais nous y reviendrons car cette première occurrence n’est pas à prendre à la légère d’un point de vue stylistique.
Episode 5 : D. Une esthétique du topos :
http://www.senscritique.com/livre/L_Appel_de_l_ange/critique/35183243
L'intégralité de la saga : http://www.senscritique.com/liste/Musso_parce_qu_il_le_vaut_bien/500931