Mariko, lycéenne kidnappée par un apprenti terroriste, se libère après deux ans de captivité et de sévices en le tuant. Mais elle a perdu la mémoire et tombe de Charybde en Scylla en errant dans un Japon dont elle n’a guère de souvenirs précis. De son coté, Naruhiko, petit-fils d’une chamane, a hérité de pouvoirs de divination. Exploité par un homme d’affaires peu scrupuleux, il va croiser Mariko devenue meurtrière à plusieurs reprises et réfugiée chez un professeur atteint d’un cancer.

Quelques mois après l’excellent Hell de Yasutaka Tsutsui, les éditions Wombat nous proposent un deuxième roman japonais fantastique. Mais alors que Hell était situé dans un paradis hors du temps et de l’espace, c’est bien dans un Japon moderne, rempli de bruit et de fureur, perdant de vue ses racines que nous emmène cette Fille du Chaos. Prévenons tout de suite le lecteur : cette descente aux Enfers est jonchée de sévices sexuels, de meurtres et de diverses violences jusqu’à sa conclusion. On est certes loin du gore, mais ce n’est pas de tout repos.

A cette débauche accrochée volontairement à la société moderne (Mariko fuyant son ravisseur se fait un peu d’argent en vendant des photos numériques d’elle-même subissant des outrages), l’écrivain oppose la trajectoire de Naruhiko, quittant sa mère prostituée et ses amants exploiteurs pour retourner à la campagne, marcher sur les traces de ses ancêtres et passer l’initiation chamanique pour maitriser ses pouvoirs et les utiliser à bon escient. Certes, le croisement de ces destins peut paraître manichéen, mais Masahiko Shimada creuse suffisamment ses personnages pour leur donner une vraie existence. l’auteur déclare dans la postface voir Mariko comme la « Jeanne d'Arc des perdants » : le malaise provoqué par la frénésie de la société japonaise est palpable tout au long du roman et le retour aux racines oubliées, aux croyances ancestrales, peut apparaître comme la seule porte de sortie, comme la voie de la rédemption ; c’est avant tout une échappatoire pour tous ceux qui sont écrasés par le système. Sous les dehors simplistes de la violence et de l’opposition entre le bien (la tradition) et le mal (la modernité), la fille de chaos est une réflexion réussie sur la mutation trop rapide du Japon (voire son occidentalisation) et ses laissés pour compte. Cette collection est décidément à suivre !
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le 14 mai 2014

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