J'ai découvert Joyce Carol Oates il y a quelques années sur les conseils d'Annie, qui m'a mis entre les mains Nous étions les Mulvaney. C'est rapidement devenu l'un de mes romans préférés, pour sa description d'une descente aux enfers mais aussi pour son écriture que je trouve riche, sans trop de pathos et très agréable à lire. Depuis, j'ai lu plusieurs autres romans d'Oates qui m'ont tous énormément touchée. La fille tatouée par exemple a été l'équivalent littéraire d'un grand coup dans le plexus, comme Eux ou Petite sœur mon amour. La fille du fossoyeur commençait moins bien, au début je n'étais pas très chaude pour le lire, et ne me demandez pas pourquoi je n'ai pas de raison acceptable intellectuellement. J'ai cru que c'était un polar, entre autres, puisque Points avait fait un dos noir. J'aime bien les collections, mais quand elles ont une réelle signification. La collection « Signatures » de Points me paraît profondément inutile, même si elle rassemble des auteurs extraordinaires : je ne perçois pas l'intérêt de les mettre à part du reste du catalogue sans leur accorder ensuite ne serait-ce qu'une page récapitulative dans le catalogue papier, je n'aime pas la maquette des couvertures où les codes couleurs sont bouleversés, bref cette collection me déplaît et du coup j'ai du mal à me jeter sur ses livres, même s'ils sont d'auteurs que j'aime.

Le début est poussif. Difficile de s'accrocher à ces personnages désagréables, violents et en même temps faibles et abusés. Cette femme, Rebecca, naïve et impressionnable au début, a commencé par m'agacer profondément. J'avais du mal à avancer, j'ai même failli lâcher ma lecture, mais quelque chose me disait d'aller plus loin. J'écoute généralement ma petite voix en matière de lectures, j'ai donc continué. Bien m'en a pris. Ma petite Rebecca a grandi d'un coup, a quitté la maison et son mari violent, tant physiquement que psychologiquement, pour aller commencer sa vie à elle... et à partir de là j'ai été happée par cette femme puissante qui se construit elle-même, comme elle le souhaite, dans la fuite du danger mais aussi dans la recherche d'un bonheur dont elle semble malgré tout penser qu'il lui est interdit. On l'accompagne de sa naissance à sa mort, et ce portait de femme tout en nuances montre une fois de plus à quel point Oates sait mettre sur le devant de la scène non pas forcément le talent de ses personnages, mais leur adaptabilité, cette manière qu'a l'humain de faire feu de tout bois pour, toujours, continuer à avancer. Les gens décrits par l'auteure* américaine ne sont pas statiques, ils sont toujours à la recherche si ce n'est d'un idéal, tout du moins d'une vie meilleure. Y arrivent-ils ou pas, là n'est pas la question, l'intérêt n'est pas la fin mais les moyens, le mouvement.

La fille du fossoyeur se déroule comme un fleuve, comme le canal au bord duquel Rebecca chemine, vers des éléments inéluctables. Jamais elle ne cherchera à s'en échapper, uniquement à vivre une vie qu'on pourrait décrire comme horrible, ou alors splendide, selon la partie que l'on regarde. Un beau roman qui, s'il n'est pas le meilleur d'Oates, mérite tout de même sacrément le détour !

*je cède à Nana et à l'Académie, mais je trouve ça toujours aussi moche
Ninaintherain
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le 27 mars 2012

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