Si je suis assez peu l’actualité littéraire et me laisse rarement guider par la publicité faite par les maisons d’édition ou les prix littéraires, je me suis laissée tenter par “La fille sans nom”, au détour d’une bouquinerie, sans doute influencée par les commentaires élogieux lus dans la presse généraliste. Et un peu aussi pour lire de la littérature allemande, pour une fois. Ce qui est certain, c’est que cette fille sans nom s’en est fait un ! Angelika Klüssendorf nous raconte le quotidien d’une petite fille livrée à elle-même pas une mère instable et violente. Avec beaucoup de sobriété, une écriture presque clinique, nous suivons cette enfant désorientée, dont le nom n’est jamais énoncé, qui vole pour se nourrir, trompe son ennui avec des jeux dangereux, fugue, se réfugie dans la lecture et s’invente d’autres vies, plus heureuses, plus extraordinaires. Avant que l’on n’ait pu s’attacher à elle, elle se montre à son tour violente, méchante, sournoise, puis ressent soudainement un amour maternel pour ses petits frères. La distance et la froideur quasi-chirurgicales du narrateur omniscient créé un double malaise chez le lecteur. D’une part à cause de la misère sociale et émotionnelle qui est décrite. D’autre part à cause du rythme très saccadé et incisif du récit qui rajoute à la violence décrite. On sent constamment le drame venir au détour de chaque page. Que l’action se situe du temps de l’ex-RDA (République Démocratique Allemande) n’apporte rien de plus au roman, l’enfance maltraitée reste insupportable là ou ailleurs, même si l’histoire nous confirme que la parole d’un enfant n’y avait alors que peu de prix. Un roman terriblement sombre mais qui, avec simplicité et retenue, nous donne à réfléchir à la construction d’une enfant sans repère.