Même si, comme moi, on n'y connaît pas grand-chose en guerre froide, en histoire soviétique, etc..., ce livre-témoignage est prenant, bouleversant et édifiant.
Pas un roman, puisque l'auteur (récemment auréolée du Nobel) a ouvert son micro au fil des ans pour recueillir les témoignages des Russes sur leur histoire et leur pays, mais pas un documentaire non plus, puisque rien n'est expliqué, tout est raconté. Donc, on devine (même si une chronologie en début d'ouvrage aide grandement), on se rappelle quelques éléments d'actualités, mais on découvre totalement la vie quotidienne de ces hommes et de ces femmes que le capitalisme a bouleversés.
Le grand talent de cet ouvrage est de parvenir à nous faire comprendre la grande ambiguïté inhérente au communisme et à sa fin : on voulait faire un monde meilleur, "parfait", et pour cela on en est venu à écrire une histoire de l'exil, de la violence, des camps et de l'autoritarisme ; puis, en voulant libérer les peuples de ce joug en courant au capitalisme, on les a condamnés à une extrême pauvreté et à une radicalisation du pouvoir... Où est le bien alors, où est le mal ? Ce livre ne prétend pas apporter la réponse, et c'est tant mieux. C'est d'ailleurs toute sa force : il dessine parfaitement les contours d'une âme slave, des bolchéviques des premiers temps aux jeunes avides de MacDo et Converse, des femmes soumises à leurs hommes dans leurs minuscules isbas aux intellectuelles engagées et pétries de culture littéraire.
Un texte dense et riche, donc enrichissant !