Il y a des oeuvres qui effraient et fascinent tout à la fois, et ce pendant des années. On les regarde de loin, de près, sous toutes les reliures ; on les épie, on les planque ; elles sont tellement épaisses qu'on les cale bien au fond de sa PAL, telle une solide fondation, et puis un jour, on se lance avec courage et détermination.
"La Foire aux Vanités" de William Makepeace Thackeray est du nombre.
Bien qu'on appréhende sa lecture en raison de son étiquette "classique" et de son volume (plus de 1 000 pages dans la collection Folio), "La Foire aux Vanités" fait également partie de ces oeuvres qu'on regrette de ne pas avoir lues plus tôt une fois qu'on les a entreprises.
Roman qui n'a pas usurpé son label "Incontournable", cette oeuvre dense et colossale est à la fois un récit social, de moeurs, une belle histoire d'amour persévérant et une galerie de portraits extraordinaires bien qu'elle campe des personnages très ordinaires. Tout cela dans le cadre brillant des trente premières années du XIXème siècle.
Contemporain de Charles Dickens, Thackeray n'est pas en reste de par son statut de formidable conteur d'une société anglaise bien propre à s'attirer les foudres de son ironie et de son cynisme. Comme dans les oeuvres du susnommé, l'humour et la moquerie sont omniprésents entre les lignes. Quant au style, c'est un régal à chaque phrase, à tel point qu'on oublie vite le nombre de pages pour profiter de chacune d'elles.
Il est aisé de distinguer et comprendre l'influence énorme que "La Foire aux Vanités" a eu sur la plupart des écrivains anglo-saxons de la période, je ne citerai qu'un seul exemple qui parlera à beaucoup : la pension pour jeunes filles où Amelia Sedley et Rebecca Sharp, nos deux héroïnes, passent leur enfance, ressemble de façon plus que troublante à la pension qui accueillera quarante ans plus tard Sara Crewe (alias la "Princesse Sarah" de la série animée nippone), la plus célèbre héroïne de Frances Hodgson Burnett qui ne s'est pas même donné la peine de modifier les prénoms des pensionnaires.
Comme son titre l'indique, "La Foire aux Vanités" met en lumière le kaléidoscope des ambitions et des aspirations humaines, à travers le destin d'un grand nombre de personnages, tous liés aux existences très contrastées de Rebecca et d'Amelia. Spectacle qui prête à rire (jaune) et à réfléchir sur les vacuités de notre civilisation, hier comme aujourd'hui ; l'auteur l'exprime mieux que moi :
"Et maintenant, disons-le bien haut : Vanitas vanitatum ! qui de nous est heureux en ce monde ? qui de nous arrive enfin au terme de ses désirs, ou, quand il y parvient, se trouve satisfait ? Adieu, adieu, ami lecteur ; rentre maintenant dans la vie réelle où tu verras se dérouler sous tes yeux l'histoire que je viens de te raconter."