Dans la toile de brume..

Avec La forêt des araignées tristes, Colin Heine nous invite à voyager dans une uchronie steampunk située fin XIXème où la vape, sorte de vapeur d’essence chimico-magique qui a servi à l’industrie à se développer, a fini par absorber une partie du monde connu. Le monde est désormais constitué de territoires limités entourés de cette vape qui voit des créatures nouvelles et terrifiantes se développer en son sein. Tandis que la concurrence entre états survivants demeure vivace, la découverte d’un savant pourrait bouleverser le fragile équilibre que l’humanité a réussi à créer au sein de ce brouillard permanent.
Le récit propose une sorte d’enquête vaporeuse où le héros, oisif issu des classes plutôt aisées, va côtoyer les masses laborieuses et des dangers mortels. Préservé jusque-là des avanies de la vie, il va se retrouver confronté au réel, aux complots et à l’horreur à l’état pur. Au travers de cette aventure, c’est de lutte des classes dont il sera question, d’intrigue politique mais aussi d’écologie au travers d’une société qui, suite aux excès d’un développement industriel incontrôlé, se retrouve au bord du gouffre. Toute l’histoire baigne dans une ambiance vaporeuse où la situation peut basculer à tout moment dans l’irrationnel.
Si la mise en place du tableau général prend un peu de temps, les protagonistes s’avèrent bien développés et le récit, en dépit de passages un peu flous et étirés dans la première moitié du roman, monte en puissance pour se terminer en apothéose. En effet, lorsque tous les éléments sont enfin mis en place, la narration se fait plus dense et les rebondissements haletants. Il est difficile de lâcher l’ouvrage dans les cent dernières pages, tant les scènes se précipitent dans un maelström de tension sulfureuse et horrifique.
Un roman tout à fait honnête qui se lit avec grand plaisir, Colin Heine sortant des sentiers battus de la fantasy via un univers doté de nombreux aspects originaux.