Le talent de Raymond Depardon est multiforme. Si ses reportages photos en milieux sensibles (Moyen-Orient et Afrique notamment) l'on rendu célèbre dans les années 1970 (Les Années Déclic, la photo prise au Biafra par Gilles Caron), il donne aussi libre cours à son talent dans des livres où il tisse un lien étroit et touchant entre texte et image, et dans ses films qui dépeignent les nombreuses facettes d’une société en pleine évolution (cf. Profils Paysans).


Bien qu'ayant déjà consacré divers reportages au territoire français, Raymond Depardon a voulu par cet ouvrage concrétiser une idée qui trouve son origine des années auparavant (voir le film Journal de France sorti en 2012) : parcourir la France et photographier ses régions seul, à la chambre 20x25 — avec toutes les contraintes que cela présuppose. Nomade dans l’âme, vagabond du cœur, il se donne la mission qui, de 2004 à 2010, le mènera sur les routes au gré des saisons et de la lumière afin de montrer à égalité les régions que chacun rêve de visiter ou celles qui se dérobent à tout romantisme. Comme on peut le lire sur le site de la BnF, « il montre les conséquences de l’explosion des villes françaises durant la seconde moitié du XXe siècle qui a créé des usines à vendre en périphérie des villes entourées d’un océan de parkings, des zones périurbaines qui engloutissent les petites villes et les villages, la surexploitation immobilière du littoral et de la haute montagne… »


« J’ai visité des lieux très différents, où parfois l’histoire n’a rien de commun d’un “pays” à un autre. Cette distance que je me suis imposée, techniquement et formellement, m’a permis de passer au-dessus des spécificités régionalistes et d’essayer de dégager une unité : celle de notre histoire quotidienne commune. »
Raymond Depardon


Au noir et blanc contrasté et à la teinte humaniste de ses œuvres antérieures, Raymond Depardon préfère ici le côté frontal de la prise de vue à la chambre, la couleur, la lumière unique, neutre, délicate et sensible. Les humains s’éclipsent parfois mais il photographie en premier lieu le paysage, il poursuit sa recherche : « observer les traces de la présence de l’homme qui par son intervention au fur et à mesure de l’histoire a modifié le territoire. » Vibrant hommage à la photographie de Walker Evans et de Paul Strand, La France de Raymond Depardon, de par son support soigné, onéreux, mais conférant à cet art tout son sens, illumine la géographie de Depardon. Unique, arbitraire, personnelle, et délibérément née de « la douleur du cadre » et du « bonheur de la lumière », pour reprendre sa belle formule.


Le billet au format original : http://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-France-de-Raymond-Depardon-par-Raymond-Depardon-2010

Morrinson
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le 10 févr. 2013

Modifiée

le 11 nov. 2013

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