La Grande Crevasse par BibliOrnitho
Brigitte Collonges est une jeune femme passant ses vacances en compagnie de ses parents. A Chamonix, ces parisiens aisés frayent avec leurs semblables, salons, causeries, cocktails, boites de nuit…
Quand la demoiselle croise la route de Zian, guide de haute montagne, un peu bourru, un peu ours, mais grand cœur et montagnard aussi passionné que compétent. Au bal des guides, les deux jeunes gens sympathisent. La belle parisienne s’offre alors des courses en altitude et, en compagnie de Zian, grimpe les aiguilles Ravanel et Mummery et fait le Mont-Blanc. Ces expéditions – qui ne sont pas sans danger – rapprochent les deux jeunes gens. Une histoire d’amour débute et débouche sur un mariage.
Mariage compliqué. Ils s’aiment évidemment, mais cela ne suffit pas toujours. Brigitte a épousé Zian contre l’avis de ses parents. Se retrouver du jour au lendemain à vivre dans une ferme de montagne, sombre et à la limite de la salubrité quand on est habituée au confort des salons parisiens… Elle qui aimait tant la haute montagne et les nuit dans les refuges, se voit confinée dans la vallée à attendre le retour de l’homme – seule et la peur au ventre. Quant à Zian, on l’appelle désormais le baron. Derrière son dos. Monsieur a fait un beau mariage avec une étrangère : pourquoi n’a-t-il pas épousé Nanette qui était de son milieu ?
Brigitte, passé les premiers mois à roucouler sous la couette, s’emmerde ferme. Elle voit chaque jour son époux partir battre la montagne : à donner des cours de ski l’hiver, à guider des randonnées l’été. Quand il n’est pas aux champs à faucher le foin ou en forêt à couper du bois de chauffe pour l’hiver. Madame ne voit plus monsieur. Quand Zian lui annonce qu’il a signé un contrat d’un mois pour accompagner un riche client en Suisse, Brigitte craque…
Si Jean Giono était né à Chamonix et non à Manosque, peut-être aurait-il eu la vie de Frison-Roche. A un ou deux détails près, cette saga ressemble aux histoires du romancier provençal. Un cran en dessous, toutefois. Littérairement parlant, Frison-Roche n’atteint pas les mêmes sommets que gravissent ses personnages. Le verbe est très classique, très correct, mais sans originalité, typique de cette période d’après-guerre lorsqu’on écrivait de belles phrases, longues et comportant toutes un sujet, un verbe et une panoplie de compléments riches en adjectifs. J’ai pensé alors à un autre écrivain des montagnes des Grisons et qui est l’auteur d’un magnifique roman : John Knittel et son magnifique Via Mala.
Toutefois, quand Frison-Roche évoque cette montagne qu’il aime, l’écriture devient soudainement plus intéressante. La prose se fait plus austère, plus âpre. Ce n’est pas tout à fait du Ramuz (et son style granitique), mais il transcrit parfaitement l’hostilité des moraines, la dangerosité des séracs, le péril des avalanches, le courage de ces hommes qui grimpent par passion et au péril de leur vie, solidement encordés.
Un livre qui ne me laissera pas un souvenir impérissable, mais qui m’a permis agréablement de prolonger mes vacances à la montagne.
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Via Mala - John Knittel :
http://www.senscritique.com/livre/Via_Mala/critique/13941569
La Grande Peur dans la Montagne - Charles-Ferdinand Ramuz :
http://www.senscritique.com/livre/La_grande_peur_dans_la_montagne/critique/13978464